"Je n'ai pas eu la chance de rencontrer les bonnes personnes au bon moment..."

Jean-Luc, incarcéré à la prison de Lyon-Corbas — Parole des pauvres

Le sappel

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No 78
journal du sappel / Mai 2010 La relation

Comment les plus pauvres m'ont-ils interpellé ?

Témoignage de Christian

Mon premier contact fut à travers la vidéo du SAPPEL : par leur parole dans les témoignages recueillis. Leur compréhension de la Parole de Dieu est souvent très "directe", sans ambages, sans circonvolution, sans atermoiement, sans détour...Leur parole nous touche en plein cœur, nous bouscule, comme Jésus a dû bousculer ses apôtres, ses disciples et les gens de son temps, notamment les pratiquants de la religion juive. Leurs expressions, leurs images sont extrêmement parlantes et éclairantes, nous font redécouvrir le message du Christ

Ma seconde expérience fut la prière. Les plus pauvres ont une grande capacité à prier, en tout cas nettement plus que moi, notamment ils n'hésitent pas à s'adresser très directement à Dieu et très simplement. Ils savent aussi magnifiquement remercier Dieu pour tous ses dons, alors que nous-mêmes pensons souvent prioritairement à demander des choses à Dieu. Ils s'émerveillent aisément à haute voix, un peu comme des enfants et bien que priant avec eux depuis 15 ans, je n'y arrive toujours pas et demeure "sous le charme" de leur expression et de leur qualité de contact et de relation à Dieu.

Ils m'ont surpris et en même temps enseigné par leur soif des sacrements. Ce fut l'un de mes premiers engagements, qui se révéla un vrai bonheur, de les accompagner sur ces chemins. Avec ma femme, nous avons été associés aussi à plusieurs baptêmes, premières communions et mariages.

Ils m'ont aussi "séduit" par leur joie, malgré leur pauvreté et le poids de leurs difficultés de vie, même si parfois des moments de déprime les submergent.

Ayant souvent moins de "filtres" que nous, leurs réactions sont souvent plus extrêmes tant dans l'emportement que dans l'enthousiasme ! Ils arrivent parfois à se pardonner presque naturellement (même si des rancunes tenaces demeurent) : par exemple, lors de retraites au SAPPEL dans l'Ain, on a pu vivre des retrouvailles bien réelles après des journées entières de brouille.

Les relations avec leurs enfants sont souvent difficiles avec, pour cause ou conséquence selon les cas, des décisions de placement en foyers ou familles d'accueil, mais l'amour des parents est toujours très fort, même s'ils ne savent pas toujours le vivre dans notre société telle qu'elle fonctionne.

Enfin, ils sont extrêmement sensibles et directement atteints par les situations de détresse des autres et notamment de plus pauvres qu'eux.

N. B. Le tableau n'est pas toujours idyllique : les plus pauvres sont déstabilisants voire décevants par leurs parcours parfois chaotiques et changeants - ils manquent notamment de suite dans les idées ou comportements et on peut passer rapidement d'un extrême à l'autre, dans le style "de la haine à l'amour" ou inversement.

Quelle Eglise me font-ils désirer ?

Une Eglise où ils trouvent vraiment leur place, qui leur donne la parole, eux qui sont "sans voix" dans notre société où la relation à Dieu soit plus simple et plus directe.

Une Eglise réellement soucieuse des plus pauvres toujours et partout et non seulement lors des intentions de prière du dimanche !

Une Eglise de joie : pour moi, le chrétien devrait être joyeux par nature et je n'y arrive pas vraiment, mais je crois que les pauvres peuvent nous y aider.

Une Eglise qui sache parler à tous, avec le langage et les démarches appropriées et adaptées, des communautés chrétiennes (paroisses) plus ouvertes à la différence, source constante d'enrichissement.

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