S’il y a un pauvre chez toi, l’un de tes frères, dans l’une de tes villes, dans le pays que yhwh ton Dieu te donnes, tu n’endurciras pas ton coeur et tu ne fermeras pas ta main, mais tu lui ouvriras ta main toute grande.

Deut 15,4 — Parole de Dieu

Le sappel

actualités

No 74
journal du sappel / Décembre 2008 Journal

Une vie de combat.

Jean Jacques est encore tout au bonheur de nous apprendre cette bonne nouvelle : la conversion de son fils. Il est heureux de lui demander de témoigner comment il en est venu à croire en Dieu : « Quand j’étais petit je venais au Sappel, mais en grandissant j’ai laissé tomber, je n’y croyais plus, même que la famille où j’étais placé depuis tout petit, n’était pas croyante. Puis j’ai eu un accident de voiture, j’ai eu très peur, je me suis dit que si je suis resté en vie c’est qu’il y a quelque chose de plus fort, de plus grand que nous. Cela fait deux ans que je sens que ça me travaille, et avant Noël, j’ai vu que mon père avait écrit une jolie phrase au dessus de son lit : « J’ai demandé la prière et je me suis mis à pleurer ». J’ai été bouleversé par cette phrase, si la prière est capable de faire ça, alors je veux bien croire. Maintenant je veux faire une place à Dieu dans ma vie, j’ai des copains, je travaille, je fais du sport, mais au milieu de tout ça je veux qu’il y ait Dieu. Mon père est le seul dont je supporte la morale. Dans ma famille d’accueil, chaque fois qu’on me faisait la morale je ne supportais pas, je me suis même fâché. Jean Jacques, mon père a vraiment un don pour me parler, j’ai toujours écouté ce qu’il me disait. Maintenant il faut je construise ma vie, choisir une femme, c’est important parce que c’est comme la moitié de soi-même. Mes enfants ? Je ne veux pas qu’ils recommencent la même vie que moi, je veux qu’ils soient élevés toute leur vie par leurs parents. »

Nous avons connu Jean Jacques Durand et sa femme Annie il y a déjà plus de vingt ans ; lui aussi a été placé dès son enfance, puis suite à un accident il a beaucoup de mal à parler. Il s’est toujours battu pour avoir une vie digne de ce nom « J’ai voulu écrire le récit de ma vie, en espérant que cela serve à d’autres qui ont fait des bêtises pires que moi, pour les aider à refaire surface. Malgré tous les ennuis que j’ai eu, je me suis battu toute ma vie pour avoir une place dans la société, pour être respecté et être aimé. Je n’ai pas eu de famille, je me suis faite une moi-même. »

Le placement

« Je suis né à Lyon en 1951. J’ai vécu avec mes parents jusqu’à 5 ans, mais ensuite j’ai été placé dans diverses institutions de la DDASS. Je n’ai jamais voulu savoir pourquoi mes parents n’ont pas pu me garder, l’amour que j’éprouve pour eux est immense, tellement grand que quelle que soit leur vie je les aimerais jusqu’à ma mort. Ma mère c’est elle qui m’a donné la vie, pour ça je l’aimerais toujours. J’ai fait plusieurs familles d’accueil, et je me souviens avoir été placé chez une dame très gentille, mais à 14 ans j’étais assez méchant, je lui en ai fait voir de toutes les couleurs. Alors j’ai été placé comme apprenti chez un boulanger mais cela n’a pas marché, puis chez un agriculteur où je suis resté 2 ans. A 16 ans c’est dur de travailler la terre, on fait beaucoup d’heures, sans être bien payé, mais mon patron était gentil avec moi, il m’a donné une bonne idée du travail ; pourtant je me disais souvent que je pourrais faire mieux ; au bout de deux ans, je lui ai demandé d’écrire à la responsable de la DDASS pour qu’elle me fasse passer un test pour connaître mon niveau intellectuel, on s’est alors aperçu que j’avais un gros coefficient. On m’a inscrit au cours Zimmerman à Lyon, j’étais en 3e, d’après les notes et les appréciations des professeurs que j’ai gardées, on voit que j’avais rattrapé beaucoup de retard, ça marchait plutôt bien. Pourtant à la fin de l’année ils n’ont pas compris pourquoi j’ai refusé de passer le BEPC. C’est vrai que j’avais un caractère difficile. Je crois aussi que j’étais orgueilleux, je voulais tout de suite passer le bac, je ne voulais écouter personne. J’étais révolté par ma situation : je n’avais pas de famille. C’est là que j’ai commencé à être délinquant, à voler à droite à gauche. Finalement je me suis retrouvé en prison pour trois mois à Montpellier. J’avais 20 ans.

Un grave accident

A la sortie, j’ai fait des petits boulots et ma vie n’était pas très droite. C’est en 1976 que j’ai eu mon grave accident de voiture. Je ne souviens plus vraiment de ce qui s’est passé, mais je me suis retrouvé à l’hôpital de Nancy puis en rééducation à Berk-plage dans le Nord et finalement en hôpital psychiatrique d’où je me suis échappé pour revenir à Lyon. Mais j’étais mal en point, physiquement, j’avais une paralysie de la bouche et du mal à marcher ; moralement je ne savais plus où j’en étais, je ne voulais plus aller à l’hôpital psychiatrique, alors j’ai vécu à la rue, je ne voulais même plus rester à l’Armée du salut. J’ai fini par avoir un appartement en 1980, c’est là où j’ai rencontré Annie ma femme. J’étais très amoureux d’elle, mais il me semblait qu’elle avait des problèmes psychologiques. Elle est venue habiter avec moi, on a vécu ensemble mais on s’est respecté pendant 9 mois.

La naissance de notre enfant

Puis il nous est arrivé un problème, Annie est tombée enceinte d’un autre homme. Elle n’a pas voulu avorter parce qu’elle l’avait déjà fait avant, ça l’avait beaucoup choquée. Doudou est né, même qu’il n’était pas de moi, j’étais fou de joie. J’ai assisté à l’accouchement, je me suis mis à genoux : « Mon amour, fais moi cet enfant ! » Je la tenais par la main. Doudou est sorti. Je suis allé acheter des roses. Je pleurais de joie. Quand j’ai vu que l’enfant était métisse, ça ne m’a pas choqué, tellement il était beau. J’ai tout de suite reconnu l’enfant. Et nous avons cherché un appartement plus grand. C’est à ce moment là que l’on a voulu se marier.

Nous avons pu garder Doudou pendant un an et demi, C’est moi qui le langeais, comme si c’était mon enfant. Puis l’assistante sociale l’a placé dans une famille d’accueil.

Annie, la maman était alors en maison de repos. Au début il a fallu se battre auprès du juge pour que nous puissions quand même voir notre enfant ; finalement ils nous l’amenaient chez nous tous les quinze jours. La famille d’accueil a toujours été très gentille avec nous, même qu’une fois ils nous ont fait visiter la chambre de notre enfant. Ils n’ont pas le droit mais ils l’ont fait quand même. On discutait un peu avec eux, mais ils ne nous ont jamais aidé psychologiquement, ils sont là pour l’enfant pas pour les parents. C’est plutôt avec le service social qu’on eu de la peine, il ne voulait jamais s’accorder avec nous.

Annie ne supportait qu’on lui retire son enfant, elle espérait le garder malgré que tous les autres lui avaient été retirés ; c’est pour ça qu’elle était toujours en maison de repos. Une mère sans son enfant c’est atroce ! Sur le coup j’étais en colère, mais j’ai réfléchi et j’ai pensé que vu notre situation pour l’avenir de notre enfant il valait mieux qu’il soit placé. On a tout fait pour lui. A chaque Noël, on lui faisait des cadeaux, son lit en était rempli. Avec l’aide d’ATD, puis du Sappel on l’a emmené en vacances dans des Villages Vacances, on s’est régalé. Moi le père, j’ai toujours suivi ses notes d’école, je regardais avec lui et je lui montrais où ça n’allait pas. A quinze ans il a voulu quitter l’école pour devenir « maître chien », je me suis battu avec lui pour qu’il continue ; maintenant grâce à moi il a le niveau de seconde et il a fait une formation de cariste.

Jean Jacques Durand (suite dans le prochain numéro)

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