En cette heure là, Jésus exulta dans le souffle saint et il dit : « Je te bénis Père, Seigneur du ciel et de la terre car tu as caché cela à des sages et des intelligents et tu l’as dévoilé aux petits. Oui, Père car c’est ainsi que tu trouves ta joie. »

Luc 10,21 — Parole de Dieu

Le sappel

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No 74
journal du sappel / Décembre 2008 Journal

Avec les ados en route vers l’inconnu.

Arrivés enfin au plein milieu du massif de la Chartreuse, Sébastien est très partagé dans ce qu’il ressent « Ici, c’est nul, y’a pas de bruit, y’a rien à faire » et un peu plus tard « Je resterai bien ici ! » Nicolas, lui, est plus fixé sur ce qu’il veut « Je veux rester ici, je veux plus retourner chez moi ». C’est cette expérience que nous avons faite cette année avec les ados.

Pour notre troisième été, nous avions envie d’un projet un peu « fou ». Il y a deux ans, nous avons vécu un camp cheval durant lequel nous avons senti combien la présence d’un animal pouvait être bénéfique et apaisante. Puis l’année dernière, nous sommes partis en famille en pèlerinage à Lourdes, avec une journée mémorable en montagne ! Ce fut une très belle découverte de l’effort à fournir pour contempler la beauté de la nature et la paix qu’elle apporte. Puis a germé l’idée d’un camp itinérant avec des ânes en montagne.

Un ami, Michel Viénot, nous a confié Napoléon, Ouest et Michel, trois ânes qu’il entretient avec Bébert, un de ses voisins, au pied du massif de la Chartreuse. Le choix est fait, c’est là que nous vivrons nos 5 journées.

Nous partons donc de Lyon après quelques péripéties pour rassembler tous les ados. D’ailleurs, l’un d’entre eux n’est pas des nôtres : il a choisi de ne pas venir au dernier moment ! Pour les autres les obstacles sont nombreux : Sébastien doit quitter son quartier avec tous ses bruits familiers : le scooter, les voitures qui brûlent, les potes ; Patricia vient à la fois avec grande joie et dans l’angoisse de ne pas arriver à marcher et à porter son sac à dos, c’est un grand combat intérieur qu’elle vit durant tout le trajet ; Aurélie se demande comment elle va faire sans douche ni toilettes pendant 3 jours… Pour Karim, c’est plus évident de partir. Il sait que nous vivrons des temps de prière, mais bien qu’il participe pour la première fois au groupe et qu’il soit de confession musulmane, il veut être des nôtres. Finalement nous nous retrouvons sept ados et six animateurs.

Un premier cap à franchir

C’est la confiance qui nous tient les uns les autres et nous incite à prendre le départ après une petite pluie d’orage…vers l’inconnu. Notre première étape nous fait passer de 1450 mètres d’altitude à 1750 mètres. Pour les ânes, c’est plutôt facile, mais pour ceux qui les guident, il faut savoir « courir » quand les chemins deviennent plus pentus et escarpés ! Pour la majorité des ados, c’est un premier cap à franchir : consentir à un effort un peu long, sans savoir où l’on va ni quand on arrive ; pour certains, c’est une petite épreuve, pour d’autres une grande. Aussi, à l’arrivée, c’est un grand soulagement. Mais l’accalmie est de courte durée, il faut monter les tentes avant l’arrivée pressentie d’un nouvel orage. Et c’est dans les tentes que nous prenons le repas du soir. Mais quel moment béni quand le ciel se découvre lentement et que les couleurs du soleil traversant les trouées des nuages viennent éclairer la vallée de l’Isère, le massif de Belledonne et les plateaux de Chartreuse, offrant en prime jusqu’à deux arc-en-ciel !! Ce qui nous vaut cette exclamation de Karim « La montagne, c’est affreux… c’est trop beau ! ». Et tous de nous émerveiller de la beauté de la création.

Le lendemain, le soleil nous accompagne. On en a bien besoin pour sécher la rosée sur les pâturages qui nous vaut quelques belles glissades…et pour nos affaires trempées. Avant de partir, nous chantons le cantique des trois enfants de Taizé qui exprime bien ce que nous vivons là. La marche prévue n’est pas trop difficile, il nous faut descendre sur le plateau et rejoindre un vieux refuge non gardé. C’est aussi un lieu béni que nous rejoignons, un refuge pour nous seuls, dans une belle clairière tout à côté de la maison de la bergère qui habite là pendant l’été. Nos trois ânes découvrent de nouveaux congénères, dont une femelle. Cela nous vaut de belles leçons d’histoire naturelle et un certain travail pour arriver à calmer tout ce monde ! Avec les poules, les chèvres, les vaches et les brebis qu’elle garde, nos ados découvrent les joies et les peines de la vie paysanne en montagne. C’est là que certains sont partagés entre le désir de fuir la solitude écrasante de ce lieu ou au contraire de s’y installer ! Ce n’est qu’en milieu d’après-midi que nous gravissons le mont Granier. Il nous faut nous engager dans un passage un peu délicat avec des échelles de fer et des câbles fixés dans la roche. Mais là, c’est aussi un lieu magique, nous pouvons à la fois contempler le plateau de l’Alpe, la falaise qui plonge vers la vallée de l’Isère 1000 mètres plus bas et les nuages qui évoluent dans ces paysages. Thomas exprime bien l’émerveillement qui nous gagne en redisant comme un refrain « On dirait une carte postale ». Pour le temps de partage biblique que nous prenons chaque jour, les ados nous surprennent par leur demande : ils souhaitent parler entre eux, sans que nous soyons présents, et proposer eux-mêmes le temps de prière du soir. En voyant les animateurs affairés à autre chose, Kévin nous lance « On réfléchit entre nous, faites pareil vous aussi !! » Nous nous appliquons à « obéir » à cette injonction, et le temps de partage ados-animateurs en est bien vivifié. Ca vaut le coup de se laisser bousculer et de faire confiance à leur responsabilité ! Le soir, nous terminons notre journée autour d’un feu de camp. Le lieu de couchage en dur fait du bien à tous. C’est même vital pour la journée qui nous attend le lendemain !

Notre troisième journée fait partie des plus délicates : nous devons descendre 700 mètres de dénivelé pour rejoindre le cirque de St Même. C’est une très belle destination, mais elle requiert de durs efforts ! Patricia a décidé, la veille, qu’elle irait au bout du camp « J’ai décidé que j’y arriverai ». Sa détermination est bienvenue pour cette journée charnière ! A midi Thomas et Mikaël sont déjà épuisés d’avoir accompagné les ânes. C’est qu’il faut les suivre dans la montée et les contenir dans la descente !! Nous prenons un repos bien apprécié puisque la descente qui nous attend est encore plus délicate. Karim accepte de prendre Michel, l’âne le plus jeune…et le plus costaud. C’est un bon « moyen » pour lui de calmer sa hargne contre Johanna. La relation avec l’animal montre encore une fois ses effets thérapeutiques ! Le groupe des garçons arrive au lieu de campement bien avant les filles. C’est que le combat est rude pour Patricia et Aurélie, et pour Myriam et Marie qui les accompagnent ! Il faut la présence d’esprit de Myriam qui susurre « Il y a des vraies toilettes à l’arrivée » pour convaincre Patricia de continuer et la douce présence de Marie pour accompagner Aurélie dans une descente où elle cherche à s’assurer que chaque pierre sur laquelle elle s’apprête à poser les pieds « tient bien ».

Enfin la joie du repos

Une fois arrivés, les sacs posés et les tentes montées, nous profitons tous avec joie et bonheur du torrent sortant du cirque de St Même. Au troisième jour de toilette sans douche, ce n’est pas la température glacée de l’eau qui va refroidir les ardeurs des uns et des autres. C’est un vrai bonheur de retrouver l’eau jaillissante. Un pardon déguisé est donné : à la demande de Johanna, Karim lui envoie ses chaussures restées loin du lieu de baignade, sans rechigner, et avec même une certaine volonté de renouer. Seul Sébastien ne participe pas au plaisir de l’eau : « Elle est sale » !! Après un repas très attendu, où chacun mange presque de tout (un exploit !), nous profitons d’un magnifique coucher de soleil qui nous émerveille tous « C’est magnifique ! » s’écrie Patricia. Puis la nuit est vraiment la bienvenue !

Notre avant-dernière journée est placée sous le signe du repos et de l’eau. Beaucoup profitent d’une bonne nuit réparatrice, et nous rejoignons le cirque de St Même en pleine forme. Les filles prennent le temps de discuter entre elles et avec les animatrices pendant que les garçons mesurent leurs forces avec celles des animateurs au foot. Puis nous partons nous baigner au pied de la première cascade. C’est là aussi un moment de bonheur au milieu de l’eau jaillissante. Sébastien s’y plonge enfin, même si « c’est froid », mais aussi « c’est comme à Tahiti ». Et effectivement, on se croirait à la télévision, en train de vivre en direct la publicité « Tahiti douche », celle où on voit quelqu’un se laver avec le produit moussant en question avec une cascade en arrière-fond !! Sébastien reste cinq bonnes minutes dans cette eau froide, mais ça vaut le coup de vivre un rêve !

Se retrouver avec soi-même

C’est le bon lieu et le bon moment pour vivre un temps de partage sur le texte de la Samaritaine, même si le texte n’est pas facile d’abord pour les ados. Puis nous repartons pour rejoindre le camping où nous devons planter la tente. La première montée, assez raide il faut le dire, surprend tout le monde et suscite beaucoup de mauvaise humeur, d’autant plus que Marc a emporté les sacs à dos des filles ! C’est un petit combat que d’amener tout le monde jusqu’au camping d’Entremont le Vieux car la fatigue se fait sentir. Il faut aussi composer avec des relations difficiles entre deux garçons et Johanna. La marche permet aux uns et aux autres de se retrouver avec soi-même. C’est une étape importante pour la réconciliation à venir, vraiment effective le lendemain. Aussi, quelle joie d’arriver enfin et, après avoir planté les tentes, de se doucher à l’eau chaude. Beaucoup y restent un certain temps ! Nous partageons un barbecue, une dernière veillée et un temps de prière entre animateurs dans l’église du village, encore ouverte à 11 heures du soir !

Notre dernière matinée nous donne de vivre deux très beaux moments. Nous nous réunissons tout d’abord en petits groupes pour partager sur ces cinq jours passés ensemble. C’est l’occasion pour Sébastien de nous confier que « C’est la plus belle chose que j’ai faite avec vous ». Beaucoup nous disent « Cinq jours, c’est pas assez » et commencent à imaginer ce que pourrait être le camp l’année prochaine ! Karim lui, repart avec la conviction que « Le pardon n’a pas de place chez les musulmans, mais beaucoup chez les chrétiens ».

Elle pleure de joie

Nous partons ensuite prier tous ensemble à l’église du village, toujours ouverte. Tout concourt à la beauté de notre prière et au recueillement : la merveilleuse acoustique qui fait dire à Sébastien « C’est beau la musique », le Notre Père à plusieurs voix, la gestuation de l’envoi (en Mt 28), et la cérémonie toute simple mais si touchante de remise des carnets de camp à chacun. Johanna est en larmes, surpris Mickaël demande « Pourquoi elle pleure ? ». Il est très étonné d’apprendre qu’on puisse pleurer de joie !! Rendez-vous est donné pour l’année à venir et un probable camp l’été suivant qui fait déjà rêver.

Philippe Brès

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