« Voici je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte... » +

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No 67
journal du sappel / Avril 2006 Journal

Annoncer le bonheur...

Nous sommes heureux de partager avec vous cette lettre circulaire du responsable des Petits frères de l’agneau. Il vient de visiter les fraternités d’Amérique latine. Il est frappé par le contraste entre la société (pauvres et riches) qui sombre dans le matérialisme avec son cortège de violence et la fraîcheur de l’annonce de l’évangile vécu par quelques jeunes et leur familles.

Toutes les nuits dans le quartier de Buenos Aires où nous sommes les « cartoneros », souvent toute la famille avec les enfants, poussent et tirent des chariots de fortune chargés de cartons, de bouteilles et plastiques récupérés aux poubelles. C’est leur nombre et leur course qui sont affolants ! La drogue : le fils d’un de nos voisins immédiats en a pris pour 20 ans, et le papa s’est enfui à l’étranger. Et la très pauvre cabane en face de la maison des frères accueillait sous la pluie, dans la boue, tout un groupe de jeunes et moins jeunes se droguant, s’alcoolisant, se battant au beau milieu des petits cherchant refuge chez les frères. Une musique infernale qui vous scande au ventre un rythme lancinant, vous démolit les oreilles par ses décibels et qui dans ses paroles ne dit que le néant et la mort. Il y a trois ans on entendait fort et de tous côtés, et avec de rares répits, le folklore paraguayen qui , si ce n’était des cantiques, du moins chantait l’amour et la vie !! Quelques temps avant que nous n’arrivions, dans ce même quartier, des ados de 17/18 ans ont abattu en plein jour un commerçant estimé de son entourage... Les points de vente de vidéo-cassettes se sont multipliés, enseignant par de nombreux exemples le plaisir le plus facile, la violence, le vide et le néant. Ainsi, aux souffrances de la pauvreté matérielle, s’ajoute celle d’un matérialisme sans espoir où l’homme en vient à se mépriser lui-même. Et du côté des riches, la situation semble pire encore : certains d’entre-eux vivent sur des vastes territoires, « country », entourés de murs, de barbelés, avec des policiers à l’entrée filtrant chaque visiteur. Et à l’opposé, la porte des domestiques fouillés à l’entrée, fouillés à la sortie, souvent traités en esclaves... et au cœur de tel de ces domaines, une chapelle... et son prêtre. L‘étonnant levain Face à ce double malheur de la richesse aveugle et de la misère glissant dans le désespoir, l’étonnant levain de l’Evangile, minuscule et vainqueur, n’a cessé de me fasciner. Le père Hurdato (jésuite chilien canonisé en 2005) a écrit : »Une Eglise qui célèbre l’Eucharistie en séparant les pauvres des riches ou les riches des pauvres est une Eglise en état de péché mortel. » Le Cardinal Bergoglio de Buenos Aires ne cesse, par sa parole et son exemple, de dénoncer ces distorsions et d’appeler à la conversion, au changement en profondeur, avertissant les grands pour qu’enfin ils « voient la misère de leur peuple ». Bien des fois je me suis rappelé de la phrase d’une maman : « Nous sommes pauvres mais heureux, nous devons aller annoncer ce bonheur aux riches de la capitale », et elle le fait. Je me suis rappelé aussi comment les premiers chrétiens étonnaient les païens parce que leurs assemblées et leur repas réunissaient esclaves et hommes libres, cela les étonnait autant que la sérénité des martyrs et la virginité pour le Christ.

Chez bien des jeunes et dans des familles, je découvrais la beauté radieuse de l’Evangile : les visages, le vêtement, la joie de l’esprit, la beauté de la prière, la ferveur de l’adoration, la fierté paisible du sens qu’a la vie, le pardon, et la joie. Tout cela dit l’Evangile comme une très douce proposition. L’Evangile apparaît alors dans tout son rayonnement : Amour qui se donne jusqu’au bout. On voit, oui, je voyais le « Elevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi. » Jn 12/32 C’est portés dans cette ambiance que nous avons mendié le pain du jour et chanté la liturgie avec beaucoup d’actions de grâce et la joie de la communion. La messe de Noël, à la prison de San Rafaêl(Arg) (construite pour 80 personnes et y entassant 400), malgré la pitié et l’effroi que produit un tel lieu, nous a laissé le témoignage d’amitié entre des gardes et des gardés, qui reflétait l’Evangile tout autant que l’émouvante image de la Vierge sous le préau d’entrée.

Nous avons été témoins de beaucoup de gestes de piété et de foi. J’avais gardé ma bure, et très souvent dans la rue, j’ai été sollicité pour une prière, une bénédiction ou une question. Jamais je ne m’y suis refusé et souvent, j’ai moi-même été édifié par la justesse et la profondeur de l’échange. Oui, c’est bien cet appel à évangéliser qui reste dominant au retour. Vendredi dernier, un des laîcs engagés de la Communauté partait missionner dans le nord de l’Argentine avec un prêtre, deux diacres, sept laïcs .Ils vont dans les villages les plus reculés, visitent les familles avec une statue de la vierge, lisent l’Evangile, catéchisent puis rassemblent tout le monde pour les sacrements et l’Eucharistie . Deux autres groupes de laïcs de la Communauté font la même chose dans la banlieue de Buenos Aires, s’abandonnant totalement à la Providence pour ce temps de mission, suivant à la lettre ce que nous disent les Evangiles : sans argent, ni besace, ni pain, ni couchage.

Vraiment pour 2006, déjà bien en route, je vous souhaite toutes les joies de la Bonne Nouvelle et la joie de la répandre autour de vous ou ce qui y correspond car je sais que plusieurs d’entre vous vivent ces mêmes valeurs sous d’autres mots.

Jean-Claude Chupin Petit frère de l’agneau

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