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No 84
journal du sappel / Mai–juin 2012 Journal Télécharger le journal au format PDF

Tu fais jaillir ta beauté et l'homme sait qu'il est aimé !"

Jean-Michel est aumônier de prison où il rencontre des jeunes mineurs incarcérés à l'EPM de Lyon-Meyzieu. Il intervient également à la Maison d'arrêt de Lyon-Corbas.

 

 

Les paroles du chant "La Valse des Créatures" me reviennent en tête :

 

"Tu fais jaillir ta beauté et l'homme sait qu'il est aimé !"

 

Cela m'évoque alors la rencontre avec ce jeune ado de 16 ans, incarcéré à la prison pour mineurs et, la lampe-vitrail, dans cette chapelle, éclairée de l'intérieur par une bougie, qui donne à voir de multiples couleurs aux intensités si diverses...

 

Cette lampe et ce jeune, m'ouvrent sur une dimension de Dieu et de l'homme que je n'avais pas encore perçue à ce jour :

 - chacun des carreaux de verre de cette lampe-vitrail, laisse passer à sa manière la lumière qui le traverse. Certains de ces carreaux nous donnent à voir une couleur chaude, lumineuse, chatoyante ; d'autres, beaucoup plus opaques, nous laissent à peine deviner, entrevoir cette source lumineuse qu'ils dissimulent presque, mais qui les habite tout de même.

Mais tous laissent cependant entrevoir la source de cette flamme qui passe à travers eux, enrichissant cette palette de couleurs.

 - ce jeune détenu rencontré, couché sur son lit de cellule, me laisse dans une perplexité assez nouvelle. Le récit de ses nombreux délits qu'il me fait, puis l'affirmation des convictions fortes qui l'habitent, très inhabituelles chez les autres jeunes rencontrés dans ce lieu, m'interpellent. Cela m'invite à ouvrir un regard d'espérance à son égard.

Comment ce jeune qui, depuis l'âge de deux ans, n'a cessé d'être bourlingué de foyers en familles d'accueil, en centres éducatifs, a-t-il pu se construire de cette manière et m'énoncer des convictions aussi fortes, aussi essentielles, aussi vitales ?

 - " Ma parole donnée est importante ; quand je dis quelque chose, je tiens ma parole... Certains disent des choses mais ça compte pour rien... Comment est-ce que l'on peut faire confiance ? S'il n'y a pas de confiance, on ne peut rien faire..."

 - " Pour moi, ma mère c'est tout. Je ferai tout ce que je pourrai pour l'aider. Quand je lui ramène de l'argent après que j'ai fait un coup, je sais que ça va l'aider, elle n'a que l'AAH (allocation adulte handicapé) pour vivre dans son 20 m² où elle habite avec mon frère aîné qui ne travaille pas. Je vois qu'elle n'est pas toujours d'accord avec cet argent sale mais elle est contente que je pense à elle. Je ne comprends pas ceux qui ne respectent pas leur mère, comme l'autre jeune qui a dit à sa mère qui venait le voir au parloir : "Tu m'as amené du tabac ? Non ? Bon, tu peux t'en aller, c'est pas le peine de venir me voir, t'es bonne à rien...!" Vous trouvez normal de dire ça à sa mère ?"

 - "Avoir un ami, c'est important. J'en ai pas beaucoup, deux ou trois, mais ils comptent beaucoup pour moi ; s'ils ont des ennuis, ils peuvent compter sur moi, je les laisserai pas tomber, même si ça peut m'attirer des ennuis, et eux, c'est pareil pour moi, ils sont là quand j'ai besoin d'eux..."

 

Avec quelle tranquille assurance ce jeune me transmet ses certitudes, ses points forts sur lesquels il s'appuie, même au creux de sa vie qui n'a été qu'arrachement, fugue, échec : "J'ai arrêté l'école au CM 1..." "Des éducateurs, j'en ai connus, même que certains étaient de sacrés pervers, je vous raconte même pas ce que j'ai pu subir avec eux..."

 

Je m'interroge : où puise-t-il ces valeurs, ces références qui, pour moi, s'originent en un Dieu créateur ?

 Comment ces lignes de force ont-elles pu naître et s'exprimer dans les méandres de sa vie ?

 Comment va-t-il pouvoir identifier Celui qui en est l'origine ?

 Comment lui permettre de "convertir", de changer de direction toutes les énergies qui l'habitent ?

 Dieu est là, bien présent en lui, mais comment sa Parole va-t-elle pouvoir rejoindre la sienne, rejoindre son être ? Je sens que ma présence est importante. Elle demande encore à être humble, respectueuse de son rythme, de l'émergence à sa conscience d'être un humain responsable des vies rencontrées sur sa route...

 

A l'image de cette lampe-vitrail, arriver à entrevoir dans ce carré de verre bleu nuit, la lumière qui peine à le traverser, mais qui m'en laisse cependant deviner la source, qui me démontre que la puissance d'amour de Dieu peut s'exhaler même de ce qui peut me paraître, à mes yeux, perdu, égaré, oublié, abandonné...

 

"Tu fais jaillir ta beauté, et l'homme sait qu'il est aimé !"

 

 

Jean Michel LOPEZ-DUBEUF

Le Sappel 

 

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