Les plus pauvres sont l’artère par laquelle il faut que le sang coule pour irriguer tout le corps. Si l’artère est obstruée, le corps tout entier meurt. Pour l’Eglise, c’est une question de vie ou de mort. Si la grâce passe par eux, tout est irrigué

Père Joseph Wrésinski — Parole de sages

Le sappel

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No 84
journal du sappel / Mai–juin 2012 Journal Télécharger le journal au format PDF

Auprès des réfugiés…


SALAM  est une association de bénévoles créée suite à la fermeture du centre  d'accueil de Sangatte dans le Nord de la France, pour soutenir les demandeurs d'asile, leur apporter une aide humanitaire (soins, hygiène, nourriture...), les renseigner et les soutenir dans leurs démarches administratives pour régulariser leur situation. Ils errent sur les plages  dans l'espoir de rejoindre l'Angleterre.

Gillette GILLET, responsable de l'équipe du Sappel de Grande-Synthe est engagée dans cette association, chaque semaine, elle part à leur rencontre.

 

 

Lorsque pour la première fois, nous rencontrons ces souffrants, le cœur ne peut que se serrer ! C'est un cri silencieux au-dedans de nous. Est-ce possible ? Pas du camping, pas de club Med !

 

Ma première pensée va vers Mathieu 25 : « j'avais faim.. »

Quel dépouillement de vie ! Tout nous rappelle cependant qu'un homme reste toujours un homme quel que soit le lieu ou l'état dans lequel il vit.

Dans cette continuelle souffrance, ce qui me frappe, c'est la dignité. Une grande espérance habite ces hommes. Souvent, ils disent en regardant le ciel : « Inch Allah ! » Dans leurs yeux, on peut lire de la douceur, presque de la tendresse, pas d'agressivité, pas de colère ! Pleins de confiance envers nous, ils nous confient tout ce qu'ils ont enduré jusqu'à cet instant ! Malgré leur mauvais anglais, nous les comprenons car le nôtre n'est pas meilleur.

 

Depuis ces six ans où je suis engagée à l'association Salam, ces rencontres m'ont permis de revisiter ma foi, comprendre le Christ souffrant.

 

 

Nous sommes témoins

 

        Quand  ils sont méprisés par les forces de l'ordre, comme ce matin, très tôt, où ils sont réveillés sans même avoir le temps de s'habiller correctement, et où on les oblige, à peine sortis de leurs abris, à se mettre accroupis pour leur passer des menottes...

Quand ils sont affamés, n'ayant plus d'argent pour aller jusqu'à l'épicerie... mais en nous voyant apporter un repas chaud, leurs visages sont remplis de joie.

Quand dans cette grande misère, ils trouvent encore la force de se réconforter les uns les autres... Comme cet homme Afghan qui a « inventé » une guitare à partir d'un bidon vide d'eau de javel et fait chanter des airs du pays à cette troupe...

 

Quand, dans leur dignité et dans leur foi, avec les moyens du bord, ils se construisent une petite mosquée très accueillante...

 

Quand, pour ne pas oublier leurs racines, ils installent leur drapeau en haut d'un arbre et nous demandent de hisser le nôtre à côté...

 

Émotion forte aussi quand une jeune femme afghane accouche d'une petite fille à la clinique; elle se met à pleurer quand je lui demande, maladroitement, si elle a pu annoncer à sa maman la naissance de son premier enfant...

 

Quand d'un air implorant, ils nous font découvrir leurs « shoes » comme ils disent, décollées, trouées, importables...

 

Parfois ils nous entraînent dans la joie après le repas, en rythmant et claquant des mains dans une danse de leur pays... c'est leur façon de nous remercier...

Ils nous invitent aussi dans leur cabane pour boire leur thé et si par hasard, ils ont un siège genre billot de bois, ils nous l'offrent et s'assoient à même le sol !

 

Quel accueil ! Ils sont heureux qu'on accepte leur geste !

 

Dans l'engagement, nous découvrons aussi que, dans notre société, les gens ne sont pas insensibles, je peux l'affirmer ! Il y a comme une solidarité souterraine qui ne fait pas de bruit, mais qui agit, par des dons divers : viande hallal, pain frais chaque jour, couvertures, vêtements, chaussures, dons faits également par les Compagnons d'Emmaüs... la solidarité : ça existe !

 

Ces rencontres sont décapantes. Il est dur de voir si près la misère, mais ces gars ont un tel appel à vivre que l'on ne peut qu'espérer un monde meilleur...

un jour... !

 

Se sentir utile

 

Au cours d'une rencontre du Sappel, où nous avons dialogué sur la situation des migrants de la région. J'avais invité Brigitte et Jean-René à venir découvrir l'esprit d'équipe de Salam qui prépare les repas. Ils décident de venir aider à l'épluchage des légumes.

Ils ne souhaitent pas aller sur les squats car, disent-ils ça leur fait trop mal au cœur de voir des gens dans cette misère. En participant ainsi, ils se sentent utiles, ça leur fait du bien, ils aiment vivre la rencontre et ressentent plein de joie. Jean-René, très gai, chante souvent en faisant son service.

Mais parfois cela ne plaît pas  à certains équipiers, car se sont des « chants d'Église ». Un peu choqué, Jean-René souffre de n'être pas compris, il hésite à revenir la semaine suivante, mais Brigitte sa femme l'encourage; depuis ils reviennent régulièrement et l'équipe est épatée par leur fidélité!

 

                                                                        Gillette Gillet

                                                  Le Sappel / Grande-Synthe ( 59)

 

                                  

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