Quand on est tous ensemble à se parler, on est en vie éternelle.

Daniel — Parole des pauvres

Le sappel

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No 75
journal du sappel / Mars 2009 Journal

La célébration du samedi Saint

Dans les Eglises d’Occident, le Samedi saint est considéré comme un jour sans liturgie où l’Eglise est en attente. Inspiré par l’Orient, le père André Gouze a remis en valeur la célébration de l’office des ténèbres. L’étude d’une amie, Marie-Charlotte Potton présente ce renouveau liturgique. Nous en publions quelques extraits.

« Un grand silence règne aujourd’hui sur la terre, un grand silence et une grande solitude. Un grand silence parce que le Roi dort. La terre a tremblé et s’est calmée parce que Dieu s’est endormi dans la chair et qu’il est allé réveiller ceux qui dormaient depuis des siècles. Dieu est mort dans la chair et les enfers ont tressailli. Dieu s’est endormi pour un peu de temps et il a réveillé du sommeil ceux qui séjournaient dans les enfers… » (St Epiphane) L’oeuvre de salut opérée par le Christ a pu être expliquée, surtout en Occident, à partir des souffrances de la Passion. L’art, ainsi que l’imaginaire chrétien et sa théologie, se sont développés en Europe, essentiellement à partir de l’image de la Croix du Christ. Le Vendredi saint, ainsi que la Cène du Jeudi saint qui l’anticipe, sont donc particulièrement valorisés, et le lien avec la Résurrection a pu, par moment, se trouver insuffisamment exprimé.

Il n’en est pas tout à fait de même en Orient. Car la mort du Christ n’est pas caractérisée par ses seules souffrances, et le salut qu’il apporte au monde n’est pas à mesurer par les blessures qu’il doit subir. Ce temps intermédiaire du Samedi saint est bien davantage qu’un « temps mort », il est le jour où le Christ accomplit jusqu’au bout l’œuvre que lui a confiée le Père, celle de conduire tous les hommes, morts ou vivants, à la plénitude de la vie.

Un cri converti en louange

Une mise en œuvre récente de la célébration liturgique catholique, a permis de découvrir la richesse du mystère du Samedi saint. Il s’agit de « l’office des Ténèbres ».

Nuit de veille et d’abandon à Dieu, la Vigile est aussi le lieu de l’épreuve et d’une certaine forme de mort, où l’homme, confronté au silence et à la solitude, privé des ressources habituelles des activités diurnes et de leur éparpillement, doit, tel Jacob affronter l’ange du Seigneur lui-même, et dans ce combat singulier, découvrir son nouveau nom. Dans le miroir de la liturgie, il est révélé à lui-même comme pauvre et pêcheur, en quête d’un salut. Mais à l’intérieur de cette même liturgie, il peut éprouver l’irruption de ce salut, qui convertit son cri en louange.

L’office des ténèbres est donc une Vigile, c’est à dire un temps de veille et d’attente. De veille dans la nuit : il reprend à son compte les prières de nuit du Christ durant son ministère. On se souvient qu’il a également exhorté ses disciples à être des veilleurs et à prier avec persévérance. Mais parmi tous ces temps de prières, le chrétien s’unit plus spécialement à la supplication du Christ à Gethsémani et à son cri sur la Croix, tandis que les ténèbres se firent sur toute la terre… Cet office fait donc mémoire de la prière du Christ ; et au sein même de son agonie, de la déréliction de tout homme habité par les ténèbres de la mort et du péché.

Le repos du Christ

La célébration de cet office n’est pas à proprement parler une célébration des ténèbres, et encore moins « ténébreuse » ! Elle est mémoire et action de grâce pour un amour qui n’a pas craint de traverser l’obscurité de la mort et de la désespérance, et qui nous rejoint en chacune d’elles. Elle est invitation à savoir, à notre tour, parcourir ce même itinéraire ouvert par le Christ lui-même. Le repos du Christ, le jour du Shabbat, ainsi que l’attente endeuillée des femmes, invitent au silence. C’est le temps de l’absence, où le Verbe de Vie s’est tu dans la nuit du tombeau. Mais l’Eglise des Pères n’a pu imaginer que ce silence fût vide. Pas davantage qu’elle n’a pu le concevoir comme un néant. Très tôt, sa foi a cherché à le comprendre. A l’aide de sa lecture des Ecritures, elle a élaboré comme dogme de foi, le mythe de la Descente du Christ aux Enfers. Comblant de la sorte l’espace inoccupé de l’absence, et affectant un sens à la mort du Christ cohérent avec son ministère public, elle en a fait un temps de rencontre avec les plus démunis, un temps de la proclamation de la Parole, là où elle n’avait pas encore retenti…Nous pressentons donc bien à travers ce bref résumé, combien cet aspect du mystère du Christ, présenté à notre méditation par les Ténèbres du Samedi saint, est essentiel pour notre foi.

Marie Charlotte Potton. L’office des Ténèbres. Profac 2005

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