Ici-bas, je n’ai peur de rien ni de personne, en vérité. pas même d’un ange. Mais le gémissement du mendiant me donne le frisson. +

Houne de Kolechitz. — Parole de sages

Le sappel

actualités

No 75
journal du sappel / Mars 2009 Journal

Une vie de combat.

Nous reprenons la suite du récit de la vie de Jean Jacques DURAND, « J’ai voulu écrire le récit de ma vie, en espérant que cela serve à d’autres qui ont fait des bêtises pires que moi, pour les aider à refaire surface. Malgré tous les ennuis que j’ai eus, je me suis battu toute ma vie pour avoir une place dans la société, pour être respecté et être aimé. Je n’ai pas eu de famille, je m’en suis faite une moi-même. » Dans la première partie il nous a parlé de son enfance séparée de ses parents, de son accident qui lui laissera de sérieuses séquelles, de la rencontre de sa femme et de la naissance de son fils ; ici il insistera plus sur sa rencontre avec le Sappel et sa vie de prière.

La rencontre avec le Sappel

« Avant j’avais été dans les églises évangéliques. Mais je ne m’y suis jamais senti bien, un jour je leur ai posé une question, mais ils m’ont mal répondu, je sentais qu’avec Annie, ma femme on était pas bien accepté. Puis un jour dans un bus, j’ai rencontré quelqu’un qui m’a fait connaître le Sappel.

Au début j’ai eu peur que ce soit une secte, on ne sait jamais, on voit tellement de choses de croyances à la TV. Ce qui m’a poussé à revenir c’est de travailler au jardin quand on a refait des haies ; puis on a étudié la bible. La-bas, on ne nous demande pas d’argent, bien sûr on nous fait payer les sorties, mais ce n’est vraiment pas cher par rapport au prix que ça coûte. Petit à petit la confiance est née. Je suis touché que les animateurs aient abandonné leur profession pour vivre avec nous. Maintenant j’ai confiance à 100%.

La Foi

J’ai toujours été attiré par Dieu qui est le Très Haut, mais quand je pense à lui, je suis en bagarre avec lui à cause des enfants qui meurent de faim. Je suis révolté de voir à la télévision des enfants qui vont mourir tellement ils sont rachitiques. Je ne comprends pas que Dieu ne permette pas à un enfant de vivre jusqu’à sa majorité.

Pour moi, qui suis handicapé, la vie est un tas d’excréments et on est obligé d’en enlever jour après jour. Pour les gens comme moi il est parfois difficile d’aimer le Seigneur, on lui en veut trop. Ce que j’attends de lui c’est le Bonheur. Le Bonheur, c’est de nous aimer les uns les autres comme Dieu nous aime, mais c’est trop difficile, on y arrive jamais. Parfois j’ai l’impression que je vais mourir en enfer.

Je vais régulièrement au groupe de prière du Sappel, pour moi c’est très important. Il y a deux ans j’ai fait ma confirmation et depuis je m’aperçois que je prie l’Esprit saint, avant je ne le connaissais pas. Souvent je fais cette prière quand je suis dans la rue, ou dans le bus : « Fils de Dieu, sauveur, prends pitié de moi pécheur. Esprit de Dieu, donne moi le courage, la force et l’espérance d’être en Toi, avec Toi et pour Toi, pour toute l’Eternité ! » Je regrette que l’on ait arrêté de prier ensemble avec ma femme, mais j’espère qu’on y arrivera encore.

Annie, ma femme

Ce qui est important pour moi, c’est mon amour pour ma femme. Je n’ai eu que trois amours dans ma vie. La première était trop jeune, la seconde m’a quitté à cause de mon accident, la troisième c’est Annie, ça fait 29 ans que l’on est ensemble. C’est fou ce que je l’aime. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi je l’aime tant. Il y a des fois où je me mets en colère, car elle a des gros défauts, mais ça passe. On n’a pas eu d’enfant, mais j’ai adopté son fils tout petit, que nous avons élevé ensemble. En 1985, lorsque j’ai eu mon accident. Pour ma jambe, ils m’avaient mis un fil pour la tenir en l’air. Un jour j’ai coupé le fil tellement je voulais revoir ma femme, je suis fou d’elle.

Mon handicap

Après mon accident, on me croyait handicapé à 90%. J’ai demandé au docteur qu’il me fasse 4 mois de rééducation ; finalement j’ai pu réussir à marcher, mais il me restait à retrouver la parole. Je ne pouvais plus parler, je devais tout réapprendre comme un enfant pour essayer de me faire comprendre par les gens de la société. Cela a été très difficile, j’ai travaillé longtemps avec des orthophonistes, mais je n’ai jamais pu parler normalement, il y a beaucoup de gens qui ne me comprennent pas. Je suis souvent obligé d’écrire, c’est un grand handicap. Pour moi c’est une grande souffrance, j’ai l’impression d’être un imbécile. Pourtant quand je fais de gros efforts j’arrive à me faire comprendre dans des grands rassemblements où je dois parler en public, comme c’est arrivé un jour à ATD Quart Monde. J’aimerais que le Seigneur me guérisse. Une fois je lui ai demandé quand j’étais à l’Eglise : « S’il vous plaît Seigneur, faites que je puisse parler correctement. » Une autre fois, au Sappel, on récitait par cœur un texte de la Bible qui racontait la guérison d’un aveugle et ma femme a crié : « Et pourquoi pas mon mari ! ». Mais je crois qu’il ne le fera pas. Il a fait autre chose pour moi, comme par exemple à mon baptême, il y a quelques années j’ai pleuré comme un gosse. Ou bien une autre fois il m’a guéri de voler. C’était pendant une retraite dans le Jura avec le Sappel. On devait aller se confesser à un prêtre. C’était dur pour moi car je savais que j’avais la manie de voler. Devant le prêtre, je m’en souviens c’était le père Michel, je me suis mis à pleurer, il m’a donné le pardon de Dieu et depuis je n’ai plus jamais recommencé, j’étais guéri !

J’ai la chance de jouer aux échecs. Je vais presque tous les jours dans un club, bien sûr la plupart sont trop forts pour moi, ou bien ils ne veulent pas me parler, mais il y en a quand même qui jouent avec moi. Qu’on m’accepte ou qu’on ne m’accepte pas ça ne me décourage pas, j’arrive toujours à me créer des amitiés.

On n’a jamais de visite, on doit toujours faire les premiers pas. On n’a pas de famille ; ma maman m’a laissé tomber quand j’avais cinq ans, puis elle m’a ignoré pendant 30 ans. Je l’ai cherchée, je me suis battu, je l’ai retrouvée, j’ai pleuré dans ses bras. Malheureusement elle est morte l’année d’après. Pas beaucoup de personnes savent ce que c’est que de perdre une maman ! Maintenant qu’elle est au ciel je sais qu’elle me veille tous les jours, mais je n’arrive pas à avoir le contact avec elle.

Malgré tout ce qui m’arrive je ne me décourage jamais, toujours je me battrai pour lutter dans la vie jusqu’à ma mort. J’ai cette force en moi parce que j’ai du faire face à plein d’épreuve, ça m’a toujours donné l’envie de me battre. » Jean Jacques Durand

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