LA NAISSANCE D'UN ENGAGEMENT
Philippe BRES
Philippe BRÈS, membre de la Communauté du Sappel et laïc en pastorale à la paroisse des Minguettes (Vénissieux) nous partage son émerveillement devant le cheminement de Marie-Christine M., mère de trois enfants qui, à cause de sa foi, met en route des femmes encore plus en difficulté qu'elle, un chemin de diaconie.
Comme nous le faisons régulièrement, nous nous sommes retrouvés au « Samedi de la Parole » pour continuer le parcours de découverte du personnage de David dans la Bible. L'épisode étudié était la confrontation de David avec Goliath : un enfant sauvait Israël des Philistins ! Tout à coup, Marie-Christine s'exclame : «C'est vrai que parfois ce sont les enfants qui nous font avancer ! Moi, c'est le baptême de ma fille qui m'a remise dans la foi. Mes garçons allaient bien au catéchisme et à l'aumônerie, mais ce n'était pas çà; avec le baptême, ça m'a remise dans la foi.»
Une nouvelle famille
Effectivement, depuis dix ans qu'elle chemine avec nous, le Sappel, la paroisse, et le quartier commencent à faire un tout. Ces trois «lieux» ou «types d'engagement» ne sont pas séparés, mais en profonde unité. Elle est même déléguée de son quartier et se présente à nouveau pour la troisième fois à l'élection. Blandine, une femme du groupe nous confiait que c'était Marie-Christine qui l'avait ramenée à la foi. Elle lui avait d'abord parlé du Sappel où elle a pu trouver une «nouvelle famille».
Maintenant Marie-Christine fait aussi partie de l'équipe des catéchistes, après un cheminement de plusieurs années pour qu'elle s'apprivoise et trouve sa place dans la paroisse.
La confirmation de son fils aîné de vingt ans, Philippe a été une étape forte. Il dit qu'il a envie de mieux connaître Jésus, de le prier ; il questionne même sa maman pour qu'elle se prépare elle aussi à ce sacrement. Elle ne semble pourtant pas encore prête; en tous cas, elle le formule comme cela. Mais dans ses actes, c'est comme si elle avait déjà reçu ce sacrement, car je vois qu'elle est à la fois véritable témoin de sa foi et «missionnaire» auprès de ses semblables, notamment auprès de plus démunis qu'elle.
Une relation fraternelle
L'été passé, elle a fait la connaissance d'une jeune femme, Laurette, nouvelle dans le quartier; elles se croisaient, mais c'était juste «bonjour, bonsoir». Durant les vacances, beaucoup profitaient de ces belles journées pour se tenir dehors, et ainsi une relation amicale et fraternelle a commencé à se nouer entre-elles. Les trois filles de Laurette placées en foyer ne revenaient qu'une fois tous les quinze jours chez leur maman. Petit à petit Laurette a fini par s'attacher à Marie-Christine. Elle ne pouvait plus se passer de la présence de cette nouvelle amie, mais cette relation est devenue un peu pesante. Il est vrai que Laurette est très «bougeon», comme le dit Marie-Christine, et peut devenir très envahissante et fusionnelle, à tel point que Marie-Christine a dû mettre de la distance pour sauvegarder l'intimité de sa famille.
Ainsi lors d'un « Samedi de la Parole » elle a pu exprimer comment elle vivait cette relation, en écho au passage où David est choisi parmi ses frères, où il est dit que le Seigneur regarde le cœur, contrairement aux humains qui jugent selon l'apparence : «Surtout, on commence par juger. Tu te rends compte qu'avant de connaître la personne dans son cœur, on va la regarder comme ça. C'est comme moi avant de connaître Laurette, je me disais c'est pas possible, c'est une fille qui est vachement bougeon et tout, c'est vrai, je lui ai déjà dit, et après c'est à force d'être avec elle que j'ai pu l'apprécier.» Marie-Christine a mis des barrières de protection, mais la relation a continué, vitale semble-t-il pour son amie.
La rentrée des classes arrivant, Laurette a réalisé qu'elles ne se verraient plus aussi souvent que pendant l'été : les enfants allaient rejoindre l'école et Marie-Christine pour ses engagements dans la paroisse. Elle semblait très perturbée par cette absence qui se profilait, Marie-Christine a eu alors ces paroles toutes simples: «T'as qu'à venir avec moi à la paroisse».
L'entrée dans une église
Cette invitation a permis à son amie d'exprimer sa foi, de dire qu'elle aussi était croyante, mais qu'elle avait peur d'entrer dans une église. Cela n'a pas démonté Marie-Christine: «C'est pas grave, tu viens avec moi à la messe. On se met au fond, et si ça va pas, on sort, puis on revient quand ça va mieux. Dans une église, tout le monde peut rentrer.» Et c'est ce qui s'est passé. Laurette était là lors de la messe de rentrée, avec Edmond, un ami. Puis elle est devenue une habituée du « groupe des jeudis », un temps convivial sur la paroisse. Elle est venue aux premiers « Samedis de la Parole », et son mari nous a même rejoints la première fois. Encore plus étonnant : Laurette a créé des liens avec d'autres personnes du quartier et notamment elle a entendu le cri de Christine, une femme d'une trentaine d'années en cours de traitement contre le cancer du sein depuis huit mois, maman de deux petits enfants. Elle aussi désirait profondément venir à la messe. Elle en a parlé à Marie-Christine qui les y a toutes les deux emmenées !
Cette attention ne s'arrête pas «aux choses de la foi». Elle est aussi très attentive à accompagner Christine pour que sa relation avec les services sociaux soit la plus vraie possible et qu'ils gardent confiance en elle. C'est ainsi qu'elle fait profondément l'unité entre sa foi et sa vie quotidienne.
Je me demandais comment elle priait, comment elle était nourrie par le Seigneur pour vivre ainsi sa foi, une foi vitale pour elle, comme une évidence pour sa vie et celle des familles qu'elle croise. Elle m'a confié : «Quand il y a des moments trop difficiles, je dis aux enfants : allez, on prend la Bible, on allume une bougie et on fait la prière.»