LE VILLAGE DE LA RENCONTRE
Dominique et Bigna PATURLE
Dans le cadre du Réseau Saint Laurent nous avons participé en août 2012 au Pèlerinage National animé par les Assomptionnistes. L'enjeu était de permettre aux plus pauvres d'être acteurs en accueillant tous les participants du Pèlerinage, pour se préparer au grand rassemblement national Diaconia de mai 2013 à Lourdes.
C'est pour cela que nous avons créé « LE VILLAGE DE LA RENCONTRE », composé de tentes disposées dans la grande prairie en face de la grotte des apparitions.
SE METTRE AU SERVICE
Voilà déjà quatre ans que le Secours Catholique a pris l'initiative de créer le Réseau Saint Laurent qui réunit une quarantaine d'associations chrétiennes partageant un chemin de foi avec des personnes en difficultés. C'est ce même Réseau (dont le Sappel fait partie) qui est à l'origine de Diaconia 2013 :
« OSONS LA FRATERNITÉ ».
Pour préparer ce grand rassemblement de l'Église de France, dans le souci que les personnes en situation de pauvreté soient vraiment au centre, nous avons pensé qu'il serait utile de nous « entraîner » en participant cet été au « Pélé National ».
Nous étions donc une délégation de 17 membres du Sappel, de Lyon, Vienne, Saint Etienne et Reims. Déjà dans le train des pèlerins, les organisateurs ont diffusé l'émission de radio que RCF avait faite au Sappel. Une femme était venue nous dire : « Ça fait du bien de vous entendre, cela nous prépare à Diaconia. »
Pour le premier temps d'accueil, les pèlerins de la région Rhône-Alpes sont rassemblés dans une grande salle. Les chariots des malades encombrent le couloir central et des jeunes filles, visiblement impressionnées, essayent d'être attentives à chacun. Dans l'un des chariots, un enfant s'agite dans tous les sens, sa mère tente de le calmer ; au milieu de tous ces gens, un homme debout, se balance d'avant en arrière avec un sourire béat, résistant à l'injonction de rester assis. Dominique, l'un des membres du groupe du Sappel de Lyon le regarde intensément, puis pris de compassion, lui tend la main. Tout se vit sans mot, mais cela nous va droit au cœur. Finalement la maman sort avec l'enfant qui s'énerve de plus en plus. Chantal se penche alors vers moi : « Ça m'a choquée de voir cet enfant avec des perfusions et sa mère à côté. Ça doit être dur pour elle....C'est bien qu'ils puissent venir aussi à Lourdes, Dieu peut les réconforter. »
LE VILLAGE DE LA RENCONTRE
Dans la prairie, face à la grotte, nous avons organisé un « Village de la Rencontre », lieu de partage et de convivialité, pour accueillir tous les pèlerins qui le désirent, l'enjeu étant que les pauvres soient au service de cet accueil.
Dans ce « Village » toutes sortes d'ateliers créatifs étaient proposés:
- peinture, écriture, fabrication de chapelet, vannerie, chorale Gospel, percussions, théâtre, clown ....
Mais aussi des temps de réflexion :
- partage de la parole, café théologique, écologie et fraternité ....et des conférences :
- avec le père Bernard Housset, évêque de la Rochelle, président du Conseil pour les Solidarités, et responsable de Diaconia 2013; François Soulage, président du Secours Catholique; Etienne Grieu, jésuite, théologien.
- Le Sappel a animé la célébration du Chemin de Croix sur la colline. Une centaine de personnes y ont participé dans un climat de grand recueillement.
- et a aussi proposé un atelier d'apprentissage de récitatifs (gestuation). Il n'y a pas eu beaucoup de monde, mais les participants ont été très intéressés ; certains sont même revenus pour vraiment mémoriser des « perles ».
Tout au long du pèlerinage une buvette gratuite a proposé des boissons sans alcool, et une équipe du Sappel a pris son tour de service avec beaucoup de savoir-faire et d'entrain !
Les familles de Toulouse entraînées par les Sœurs de la Bonne Nouvelle ont présenté une pièce de théâtre qui mettait en scène la vie des plus pauvres affrontés à l'échec, à l'exclusion, au rejet... mais qui montrait aussi que de se rassembler pouvait faire naître une fraternité, une joie, un espoir ! Cette pièce a eu beaucoup de succès: « J'ai éclaté en sanglots, c'est notre vie de tous les jours. »
LA GRÂCE DU PELERINAGE
L'ambiance universelle de Lourdes est toujours impressionnante à cause du rassemblement de personnes venant de tous les continents : que tant de personnes fassent un aussi long voyage, cela donne du prix à ce lieu : « S'ils viennent de si loin, c'est qu'ils sont très croyants... C'est Marie et son fils Jésus qui nous rassemblent... On était tous là pour une seule et même chose... On ne peut pas se parler parce qu'on n'a pas la même langue, mais on se comprend, on le voit surtout à la messe internationale. »
Les piscines sont à la fois attendues et redoutées : Comment cela va-t-il se passer ? Les personnes qui sont confiantes entraînent celles qui s'inquiètent..... « Là-bas, les femmes qui nous aident sont très gentilles, elles sont douces avec nous, on sent la main de Marie... Après on se sent soulagées, c'est comme un poids qui tombe des épaules. » « Je suis libérée d'un poids qui m'encombre l'estomac... si on ne pardonne pas, on ne peut pas avancer.» Ces mots tout simples, un peu toujours les mêmes qui disent et redisent le pardon, la guérison. La source, libérée par Bernadette continue inlassablement de purifier et d'alléger ceux qui s'en approchent avec un cœur qui désire. Toute l'atmosphère de Lourdes en est imprégnée : «Ici, ça sent la paix! Les gens, même s'ils ne nous connaissent pas, ils nous sourient... Y a la confiance, les gens, ils regardent l'arbre avec les chapelets de tous les pays et personne n'en prend, personne ne vole, c'est incroyable! »
C'est cette expérience de confiance et de paix que les familles en difficulté brûlent de partager avec d'autres, même si justement ce n'est pas facile, parce que les nerfs sont à fleur de peau et que le sentiment de ne pas être aimé resurgit avec force et trouble les relations. Mais pour Michèle, revenue dix après un précédent pèlerinage chaotique et assez violent, c'est la joie d'une nouvelle découverte d'elle-même, sans cesse elle nous répète : «J'ai changé, je suis calme, je ne m'énerve plus comme il y a 10 ans. » Elle a pourtant des difficultés pour marcher et fait beaucoup d'efforts pour suivre le groupe et lorsqu'on remarque sa fatigue, elle nous répond : « Ici à Lourdes c'est une bonne fatigue ! Oui pour une fois je me sens comme les autres ! »
Il y a ce qui se découvre dans la joie de la rencontre, mais il y a aussi ce qui se vit dans le secret des cœurs au moment des célébrations : «Pendant la messe j'écoute à fond, mes oreilles et mon cœur sont dedans » nous confie Chantal.