UNE HISTOIRE DE FAMILLE (2/3)
Manu a crée à Namur (Belgique) un groupe du Sappel en 1991.
En 24 ans, Johnny, Sylvie et leur fils, José, sont devenus pour lui des amis riches d’humanité, de foi et d’amour. Il nous propose de lire leur témoignage sur trois numéros de notre journal du Sappel.
(Suite du témoignage commencé dans le numéro précédent)
Chapitre 2.
Un combat pour de vrais liens familiaux
Les relations de Johnny et Sylvie avec leurs familles sont conflictuelles et ambivalentes depuis leur enfance. Maintenir les liens demandera à chacun de mener un chemin de pardon et de réconciliation.
Johnny et sa mère.
Johnny répétait qu’il ne pouvait pas pardonner à sa mère qui l’avait placé en institution pendant toute sa jeunesse avec ses frères et sœurs : « Quand je lui ai demandé pourquoi, elle m’a répondu qu’elle ne pouvait pas m’éduquer, que je serais dans la rue et j’ai mieux compris… » La veille de leur mariage à l’église, il s’est réconcilié avec elle. Il a senti dans son cœur que le Seigneur l’y a aidé. Il confie à Manu : « Tu m’as dit de pardonner à ma mère. J’ai prié, j’ai pris sa photo et j’ai mis la mienne à côté. Je me suis dit qu’elle a souffert pour me mettre au monde. C’est donc qu’elle m’aimait. Qu’elle ait fait n’importe quoi, c’est ma mère et je suis allé la voir ». Peu après, Johnny en a reparlé : « Elle vient plus souvent. Elle nous a offert un café. Elle a rêvé que je lui reprochais d’avoir été mauvaise mère et de m’avoir placé. Je lui ai dit que je lui avais pardonné. Maintenant je n’y pense plus, j’ai oublié.»
Sylvie et sa mère.
Johnny a encouragé Sylvie à pardonner à sa propre mère. Mais elle lui a répondu que ce n’était pas pareil pour elle, qu’elle ne pouvait pas pardonner la boisson de sa mère et sa maltraitance. Elle lui reproche de lui avoir donné des coups de ceinture lorsqu’elle était enfant. Sa colonne vertébrale en est tordue, ce qui la fatigue beaucoup. Manu a proposé de prier à trois, pour qu’elle arrive à pardonner. Elle a accepté et a fermé le MP3 qu’elle a presque en permanence sur les oreilles.
Fin 2001, Sylvie reparle de ses parents : « J’ai décidé de ne plus adresser la parole à ma mère, mais chaque fois que je la vois en rue et qu’elle me dit bonjour, c’est plus fort que moi, je lui dis bonjour et je réponds à ses questions. »
Dix ans plus tard, la mère de Sylvie meurt à l’hôpital. Johnny demande à Manu de passer chez eux. Sylvie lui dit qu’elle a appris par l’assistante sociale que sa mère a crié son prénom en expirant. Elle en souffre. Elle ne veut pas savoir où elle sera enterrée ni aller à ses funérailles. Elle ne la remercie que d’une chose : lui avoir dit qu’elle était la seule de ses cinq filles à avoir le même visage qu’elle.
Deux mois après, Sylvie dit à Manu qu’elle pense beaucoup à elle, lui reparle et lui pardonne le mal qu’elle lui a fait. Elle lui est reconnaissante de ne l’avoir plus contactée depuis le jour où elle le lui a demandé parce qu’elle pleurait chaque fois qu’elle lui montrait son petit-fils, José. Elle dira encore plus tard : « Je ne voulais pas lui pardonner. Un jour, j’ai écouté une chanson avec le titre Le pardon ; j’ai pleuré. Chaque fois que je l’écoute, je pleure. Depuis, je pardonne à ma mère. Cette chanson est pour ma mère. »
Pères et beaux-pères
Sylvie était en conflit permanent avec son père, divorcé de sa mère depuis des années. Elle dit qu’il a tout perdu alors qu’il a beaucoup travaillé, mais qu’il a laissé sa famille sur le côté. Johnny ajoute: « Il a beaucoup dépensé au jeu et payé à boire. »
Un an plus tard, à l’anniversaire de Johnny, son beau-père lui demande ce qu’il désire. Il répond : « Le plus beau cadeau : se rassembler tous ensemble pour la paix, ne plus se disputer.» Et il poursuit : « Depuis vendredi soir jusqu’à ce matin, on a bu du coca, on a joué aux cartes pour du chocolat, on a ri, on a fait des blagues. Il y a moyen de s’amuser sans boire. On n’a dormi que deux heures.» Sylvie, pleine de gaieté, raconte les blagues qu’ils ont échangées chez sa sœur. Elle a aussi appris deux de ses recettes.
Mais en 2008, le père de Sylvie avoue devant ses frères et sœurs qu’elle n’est pas sa fille. Cette déclaration l’obsède. Très déprimée, elle en arrive à boire de l’eau de Cologne et à être hospitalisée. Elle coupe les liens avec lui et avec ses sœurs bien que celles-ci la considèrent quand même comme leur sœur.
Puis en juin, Sylvie annonce joyeusement à Manu : « Je me suis raccordée avec Papa, j’irai le voir à l’hôpital ». Hospitalisé à la suite d’une deuxième thrombose, il décède début janvier 2011. Sylvie est très affectée, Johnny aussi, il dit à Manu que son beau-père l'aimait beaucoup, jouait des heures aux cartes avec lui : « A mon anniversaire, il m’avait donné une pipe et un manteau. Je l’appelais Papa. A l’hôpital, il avait dit qu’il avait neuf enfants, huit et moi en plus. Je n’ai pas connu mon père. J’ai perdu mes deux pères.».
Refermer les blessures
Quinze jours après, Johnny dit à Manu qu’il pleure chaque jour son beau-père et qu’il ne croit plus en rien. Alors, Manu l'invite à se laisser guérir par Jésus dans sa blessure de ne pas avoir connu son propre père. En effet, il lui dit que son père n'est jamais venu le voir à l’institution où il a été placé tout petit par sa mère et lui. Il montre à Manu la photo de son père fixée au mur à côté de celle de sa mère. Pendant que sa femme écoute ses chansons, Manu pose la main sur l'épaule de Johnny et prie pour lui.
Plus tard, Sylvie montre à Manu la plaque qu'elle a faite à l'atelier d'une association en souvenir de son père, avec le titre « On pense toujours à toi, Papa, et tes enfants ne t’oublieront jamais ».
Un mois après, elle va avec un ami du Sappel et une de ses sœurs poser la plaque sur la tombe. Elle est fière que ses sœurs et frères l’aient félicitée. Johnny dit qu’elle a beaucoup changé depuis la mort de son père, qu’elle rencontre ses frères et sœurs, travaille à la maison et va souvent à l’atelier. Le seul regret qu’elle exprime, c’est de ne pas lui avoir dit, avant sa mort, qu’elle lui pardonnait d'avoir révélé devant ses enfants qu’elle n'était pas sa fille, parce qu'il l'avait traitée comme sa fille.
Faire la paix entre frères et sœurs
Johnny a toujours le désir de rassembler sa famille dans la paix. Il le fait surtout avec la famille de Sylvie qui leur est plus proche, moins dans la sienne à cause de la boisson de ses frères.
Un jour Sylvie téléphone à Manu : « J’ai une bonne nouvelle : j’ai revu mon frère aîné chez ma sœur. J’ai été chez lui et j’ai revu ma nièce que j’aime bien, elle m’a montré une photo des trois enfants. » Johnny a alors l’idée de faire la paix dans la famille de Sylvie, il raconte à Manu : « J’ai aussitôt téléphoné à sa sœur : nous venons chez toi ! Nous y avons été et elle nous a ouvert... Je fais comme Jésus, il partage le pain ; puis j’ai fait la même chose avec son frère. » Alors, Johnny invite Manu à prier avec lui pour la paix dans toute la famille. Il remercie Dieu d’avoir remis Sylvie avec son frère et sa sœur.
Plus tard, Sylvie dit avoir eu ses sœurs au téléphone : elle ira chez l’une, cette semaine et chez l’autre, la semaine prochaine. Johnny ajoute qu’une troisième sœur de Sylvie est venue chez eux et lui a apporté des fleurs, a mangé avec eux et a dit qu’il ne faut plus de guerre entre nous, que Sylvie est sa sœur. Et il conclut : « Nous avons tout remis dans les mains du Seigneur. » A l’occasion de leurs 27 ans de mariage, Sylvie est toute heureuse que ses deux frères aient repris contact avec elle : « J’ai eu pour la première fois dans mes bras la fille de mon neveu ! » Johnny ajoute : « En arrivant, j’ai mis au point pour que les disputes ne recommencent pas. Il faut prier pour que ça tienne. »
Deux jours plus tard, Sylvie dit avec gaieté avoir joué aux cartes chez la sœur de Johnny, et ajoute : « Comme c’était trop calme, j’ai fait rire tout le monde. »
En juin 2013 Sylvie dit qu’à son anniversaire, elle a reçu douze coups de téléphone, même un de son frère aîné. Johnny dit avoir prié la veille pour qu’il lui souhaite bon anniversaire. Et voilà qu’il laisse un message à sa sœur alors qu’elle ne l’avait plus revu depuis les funérailles du père il y a bientôt deux ans !
Le chagrin pour José
« José est repoussé par tout le monde, par mon frère, par ma mère, chez tout le monde c’est pareil. », confie tristement Johnny à Manu. José, leur fils unique, venu en 1981 après 2 fausses-couches a été pour le couple une grande joie. Pour lui, Johnny a accepté de maigrir (de 120 kilos, il est descendu à 70) et a aussi arrêté de fumer et de boire. Mais José a du mal à s’exprimer, n’arrive pas à apprendre à lire et à écrire.
A l’adolescence, il fugue de plusieurs établissements professionnels puis semble se stabiliser. Mais sous l’influence du Rap, de l’alcool et de la drogue, son caractère se détériore et il devient agressif avec ses parents.
A 19 ans, il est hospitalisé en psychiatrie où on lui reconnaît un handicap de 66%. Après un parcours gothique et satanique puis une approche l’Islam, il revient vers le christianisme de son enfance, notamment sous l’influence de ses parents qui ne cessent de prier pour lui, de Manu avec lequel il a une relation de confiance et du Sappel aux activités duquel il participe.
Aujourd’hui, après bien des tribulations, il vit chez une amie sérieuse qui a 2 garçons de 28 et 15 ans, avec lesquels il s’entend bien. Son amie et ses enfants lui interdisent d'abuser de l’alcool, de la drogue, d’écouter du Métal et du Rap. José a regretté devant ses parents ce qu’il leur avait fait subir. « C’est du passé, c’est oublié ! », a répondu Sylvie. L’amie de José est chrétienne. Elle et ses fils disent à José qu’il doit être fier d’être chrétien. Johnny leur a donné trois croix pour les porter sur eux.
A suivre dans le n° 97…