Quand on est tous ensemble à se parler, on est en vie éternelle.

Daniel — Parole des pauvres

Le sappel

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No 63
journal du sappel / Mars 2005 Journal

Une oeuvre d’art.

Une oeuvre d’art

Géraldine Brunel, attachée aux affaires culturelles du service diocésain de Lyon, s’est passionnée pour la réalisation de ce livre, elle est venue plusieurs fois rencontrer les artisans de ce travail. Elle nous partage ici quelques unes de ses réflexions .

La réalisation du chemin de croix est une aventure humaine, artistique et spirituelle, véritable témoignage de vie au cœur de l’Eglise. Cette aventure - le terme a du sens - prend ses racines dans une longue méditation de la passion du Christ, lieu de ressourcement spirituel propre au Sappel mais également dans le cœur d’une poignée de personnes données, livrées, à la parole de ceux et celles qui sont les plus démunis. Cette parole s’exprime au cœur d’ateliers de théâtre, d’écriture ou d’arts plastiques. L’expression artistique se fait alors l’écho avec une violente douceur de la parole de ces personnes qui vivent dans une grande précarité. Et le chemin de croix, véritable œuvre d’art est en ce sens parole pour l’Eglise et le monde.

Quel chemin d’humilité, d’abandon, de persévérance que la réalisation de ce chemin de croix ! Il s’agit en effet d’accueillir l’accident, l’imprévu, la maladresse malheureuse ou géniale ; il s’agit de lutter contre l’impatience, de composer avec ses limites et avec celles de chaque personne. Certains ne supportent pas l’odeur de l’encre, d’autres n’ont pas la force de tirer la sérigraphie et en même temps de maîtriser les bonnes inclinaisons, le bon rythme ; et puis l’une ou l’autre personne s’absente le jour même où le travail doit être tiré : c’est un enfant qui vient de naître, un mari qui n’est pas rentré ou un accident survenu qui empêchent le tirage. Confiance du peintre, animateur de l’atelier, qui travaille sans filet, persévérance de l’artiste en herbe qui continue parce qu’il sent la bienveillance dans le regard de l’autre. Combat donc, celui de la confiance, - il s’agit aussi d’assumer le doute - mais joie profonde de créer avec des personnes du quart monde qui ne trichent pas, en prise directe avec la vie. Aucune recherche d’esthétisme pour l’esthétisme. On dit vrai. On parle vrai. On essaie plus ou moins de mettre en forme le cœur de sa parole dans l’atelier d’écriture . Une parole silencieuse ou articulée, un cri, une colère ou une violente espérance. Il s’agit de laisser jaillir la parole. Là, entièrement, sans chercher la perfection. Travail important de simplification, travail non d’illustration mais élan d’un geste, d’un acte vital, saisi dans le mot ou l’expression picturale. La technique contraignante de la sérigraphie comme les exercices d’élaboration d’un dire, d’une émotion, d’un mot soutient alors ce travail de profondeur, d’élan du geste. L’animateur est là, à sa juste place, celle où il doit laisser l’autre être ce qu’il est, celle où il doit respecter les intuitions, les discerner, accompagner, laisser émerger les cohérences. Faire confiance à ce qui se fait et non à ce qu’on veut faire.

Ce livre est vivant parce qu’il convoque à la vie. Il est la signature d’une œuvre de vie et il témoigne que l’Amour assume tout. Aventure artistique, humaine, spirituelle qui ouvre à la vraie beauté : celle de se regarder soi-même comme Dieu nous regarde. Comme au premier matin où Dieu regarde sa création : « Dieu vit que tout cela était bon ».

Géraldine Brunel.

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