L’aventure d’une oeuvre d’art.
L’aventure d’une création.
"Ce livre c’est quelque chose de très nouveau dans la vie d’une personne". Voilà les mots qu’Annie utilise pour partager son impression lors d’une réunion entre les participants à la réalisation du livre.
Quelque chose de nouveau...Qu’est-ce qui est nouveau ? Une manière de faire ? Aboutir à un projet reconnu ? Mettre dans une forme audible et visible par d’autres ce qui vrille le coeur, précipite dans des gouffres, et en même temps ce quelque chose de têtu, de ténu qui permet de rebondir, d’aller de l’avant ? Interrogée, elle ne sait que répondre...Elle continue :"Je le feuillette quand je n’ai pas le moral, et ça me donne un apport nouveau, queque chose de plus fort". Nouveau, nouvelle, "bonne nouvelle" n’est-ce pas la traduction du mot "évangile" ?
L’habitude, la répétition mortelle, le destin sont bousculés par un élément qui n’existait pas avant. Comme la venue du Christ, de l’Enfant-Dieu dans le monde.
Henriette, douloureuse dans ses nombreuses maternités, mais forte de sa joie d’être grand-mère, avec une intuition spirituelle très sûre, choisit de commencer le chemin de croix par la Nativité, et Maryline, affrontée à la maladie et à la mort de sa mère, représente la Résurrection. Le premier et le dernier mot du chemin de croix ne sont pas de l’ordre de la souffrance, mais de la joie, de l’espérance. Non pas un optimisme béat, mais une joie qui s’est coltinée avec le désespoir de toutes les autres stations, comme contenues entre ces deux points. Dans l’acte de création, le ressort de vie, le désir de bonheur et de beauté ne viennent-ils pas faire contre-poids à la mort, à la souffrance, à la révolte ?
"A la base d’une oeuvre il y a toujours un cri qui s’accomplit dans un chant "(Baudiquey). Le travail hebdomadaire dans les ateliers a permis peu à peu, de laisser émerger le cri de chacun dans un affrontement avec les formes, les couleurs, les mots, les contraintes techniques qui ont servi de contenant, de matrice pour aboutir à ce "chant". Non pas juxtaposition de créations personnelles, mais miracle d’une oeuvre commune où chacun est attendu et peut se reconnaître. Le choix des stations s’est fait avec un minimum de concertation ; peu importe en effet la succession classique, l’important étant de laisser les uns et les autres exprimer ce qu’ils portent en eux. Une fois posée cette première étape des images, fondement du livre, commence alors l’élaboration des poèmes.L’écriture des titres s’est faite de manière commune ; les textes eux sont le résultat de démarches personnelles qu’il a justement fallu agencer morceau par morceau par rapport aux images. Véritable travail de charpente, car il ne s’agit pas de raconter l’évènement représenté, mais l’enjeu est de créer un espace où chaque élément ainsi que celui qui regarde a sa place.Expérience riche et éprouvante d’éliminer même ce qui est bon, de faire des choix, pour que l’ensemble soit cohérent.
Mais finalement l’aboutissement de ce long travail, c’est l’émerveillement. Quelque chose est sorti du chaos et se manifeste à nos yeux, en dehors de nous. Ces images, ces poèmes ne sont pas des illustrations, mais c’est la vie elle-même qui irradie. "Pour moi, ce livre est une apparition.", conclut Annie.
Confiance d’abord dans le peintre, animateur de l’atelier et maître d’oeuvre, qui par sa présence et son savoir-faire, a su à la fois sécuriser et galvaniser chacun dans son propre acte de création. Rôle délicat où l’exigence et la rigueur étaient essentielles, mais tout aussi importante était l’assurance du peintre dans la capacité de chaque personne à donner ce qu’elle avait de plus fort et de plus profond. C’était aussi vrai pour les personnes du Quart Monde que pour les trois autres animateurs. Tout le monde s’est retrouvé à égalité, entraîné dans une aventure qui dépassait et qui mettait en jeu et en forme des sentiments humains qui nous concernaient chacun à des degrés divers.