Dieu, il est affolé quand un homme se perd, comme une maman quand elle perd un enfant. +

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No 90
journal du sappel / mai 2014 JOURNAL 90 Télécharger le journal au format PDF

MOMO

Hello : «Momo» est parti il y a un an !

 

Mais qui était Momo?

Il s’appelait en fait Maurice Massé. Il était né en 1925. Nous l’avions rencontré il y a 35 ans à Noisy le Grand où nous travaillions avec ATD Quart Monde et depuis l’amitié s’était développée entre nous. Il était comédien, un vrai titi parisien.

Il était un croyant pratiquant. Il avait une prédilection pour St Joseph qu’il priait souvent. Momo, c’était aussi le pèlerin rebelle par excellence. Il avait fait plusieurs fois le pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle. Il était un aficionados du pèlerinage de Chartres. A Paris il ne se déplaçait qu’à pied. Il faisait le tour des communautés chrétiennes de France et y faisait leur jardin.

Momo commandait directement la Germaline à l’abbaye de Sept Fons !

Un jour, il est venu à pied de Paris à chez nous à Barraux, près de Grenoble et, en repartant pour la Salette, il s’est fait renverser par un chauffard ivre. Bilan : un an de rééducation et une jambe restée toujours raide et douloureuse. Il a continué à marcher même très lentement mais il ne s’est jamais arrêté. On le voyait régulièrement traverser le village comme une tortue mais peu importait. Il allait chez le boulanger, à l’église... Il venait souvent aux différents événements de notre famille ou du village.

Après son accident, il avait fini par intégrer un foyer logement puis une maison de retraite à Paris. Momo n’était jamais content de ce genre de lieu, pas assez vivant à son goût. Il pestait; il rêvait de communauté mais il avait un tel caractère de râleur...

Il avait aussi plein d’amis sur Paris. Finalement, il a été accueilli dans la région de Grenoble, il est entré au foyer Notre Dame, aux Marches, en Savoie, et ça n’a pas été triste, notamment avec le personnel et les autres résidents. La nuit, la télé à fond...car il dormait très peu, l’ami. Il ne comprenait absolument pas ce qu’il foutait là et le faisait savoir. Il ne comprenait pas que les gens se parlent si peu...

Le lendemain de son admission, la cadre de santé m’a dit que cela n’allait pas être facile de le garder : Qu’il ne voulait pas qu’on l’aide pour sa douche... J’ai fait l’innocent. Ils ont fini par bien le comprendre et l’adopter.

 

Depuis quelques jours, les nouvelles étaient mauvaises. Momo était entré dans sa dernière ligne droite avec ses hauts et ses bas. Il a écrit cette phrase sur un papier : «Salut les copains, je pars pour longtemps. Amen. Momo "

Il est resté conscient mais souvent confus. Il était sous perfusion. Il mangeait très peu, quelquefois rien. Buvait pas assez. Il trouvait ça long de mourir mais semblait en accepter le chemin. Il disait souvent: « La vie c’est pas de la tarte! ».

Un soir, je lui ai dit avec la conviction qu’on a pour les autres que : «Sa vie avait été bien remplie finalement, qu’il avait fait plein de choses... » Il m’a répondu : «Pas tellement ! Tu sais j’ai pas fait grand chose dans ma vie!" en faisant la moue.

 

Le dernier soir, il m’a demandé s’il pouvait boire, boire un coup de rouge! J’ai promis de lui amener une bouteille pour 23 h. Il m’a dit qu’il serait mort à cette heure-là. Je suis revenu et nous avons bu du champagne tous les deux !

Puis il a commencé à s’éloigner de nous.

Ces jours-là, il arrivait à ouvrir quelquefois la bouche et l’on pouvait entendre les trois mêmes mots: «Jésus, Marie, Joseph...»

Et finalement Momo s’est éclipsé dans la nuit.

A 4 h du matin, la veilleuse de nuit me téléphone. Il était plus calme que la nuit d’avant où il avait eu tant besoin d’une main...

Et il s’était éteint avec la main de la veilleuse de nuit dans la sienne; elle était là avec lui.

Incroyable, elle avait sous sa responsabilité les autres résidents et elle était là à lui tenir la main au moment même de sa mort !

 

Le monde n’est pas foutu si les veilleuses de nuit vous ouvrent les grilles à minuit quand vous voulez visiter votre ami mourant.

 

Le monde n’est pas foutu si les veilleuses de nuit veillent. Et en plus si cette veilleuse s’appelle Lucie...

 

 

Bonne journée à vous !

 

Michel Vienot

Compagnie Le Puits

38530 Barraux

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