La catéchèse
Journée de formation du SEDIF, le 15 novembre 2005 à la Maison St Joseph à Francheville par Jean-Michel LOPEZ.
- à partir de l'expérience dont vous rendez compte, qu'est-ce qui (a) fait de vous un acteur (ou des acteurs) de l'évangélisation ?
- à partir de quels appels ?
- quels fruits pour vous ou pour d'autres ?
- ce qui favorise ou entrave...
- avec qui ?
Mission de catéchèse auprès de familles du quart-monde.
Je commencerai par donner quatre exemples de situation pour présenter cette mission de catéchèse auprès de familles vivant en situation de précarité, pour mieux situer les personnes qu'il nous est donné de rencontrer.
Sur Bron, Mme D. est séparée de son mari depuis 6 mois, après de nombreuses années de relations houleuses entre eux. Ils ont 5 enfants de 3 à 14 ans, tous baptisés. 4 enfants sur les 5 sont actuellement placés en foyer ou en famille d'accueil durant la semaine. La fille de 12 ans ne revient qu'un W.E. par mois à la maison. Les parents ont exprimé depuis 3 ans une demande de catéchèse et de sacrements, première communion, pour leurs enfants.
A Lyon Mermoz, Mme V. élève seule ses 6 enfants de 18 à 3 ans. Elle souhaite que les 3 plus jeunes soient catéchisés et que le dernier soit baptisé. Il lui est très difficile de faire des projets d'une semaine sur l'autre, elle arrive difficilement à honorer les rendez-vous qui lui sont proposés. Elle ne peut pas faire entrer ses enfants dans un cadre régulier de catéchèse paroissiale. Elle reste à la merci des décisions inopinées de l'un ou l'autre père de ses enfants.
A Lyon Saint Just, Mme D. élève seule ses 3 enfants de 14 à 8 ans. Elle travaille comme auxiliaire de vie à temps plein. Les 2 plus jeunes, 12 et 8, ne peuvent suivre la catéchèse à cause de ses horaires de travail. « Cela fait 12 ans que je cherche à faire baptiser mon 2° garçon, mais ça n'a jamais pu se faire, parce que ça ne correspond jamais. Il est en enseignement spécialisé et ses emplois du temps ne correspondent pas avec ceux de la paroisse. » Elle-même a commencé, il y a quelques années, son catéchuménat, mais n'a pu aller jusqu'au bout à cause des difficultés familiales. Mais le désir d'être baptisée est toujours présent.
Sur Villeurbanne où elle habite pour le moment chez un ami, Mme C., mère célibataire, n'a plus de logement depuis 2 ans. Elle a 7 enfants de 16 à 3 ans. 5 sont placés en foyer ou en famille d'accueil. Elle les voit une journée par semaine. L'aîné et le dernier vivent encore avec elle. Son dernier enfant, celui de 3 ans, a été baptisé en 2003. Elle a demandé à ce que ses autres enfants soient baptisés, une catéchèse familiale a donc été mise en place pendant un an et demi, mais leur placement en foyer n'a pas permis à ce jour de continuer. Mme C. demande également le baptême pour elle-même et a commencé depuis 2 ans un catéchuménat au parcours chaotique à cause de la précarité de sa situation personnelle.
C'est donc la 4° année que je vis cette mission de catéchèse sous cette forme particulière qui est de répondre à des demandes de catéchèse formulées par des parents en situation de précarité. En fait, comme nous l'avons vu dans les exemples précédents, il s'agit, dans la plupart des cas de répondre en premier lieu à des demandes de sacrements : baptême, communion... Et c'est après les avoir rencontrés que nous leur proposons de vivre cette catéchèse en famille, si aucune autre solution sur le terrain paroissial local, ne peut être trouvée, et de préparer avec eux les sacrements demandés.
Nous rencontrons donc les enfants chez eux, proposition qui s'adresse aussi à l'ensemble des enfants présents à la maison et nous demandons, si cela est possible, aux parents d'assister aux séances. Ce sont eux en effet qui ont un rôle primordial dans la transmission de la foi de par leur présence effective (et affective) et de par l'expérience de vie unique qu'ils ont auprès de leurs enfants ; de par aussi l'exemple et le témoignage de leur vie qu'ils peuvent apporter. Très souvent, ces parents vivent des situations où ils sont dévalorisés, voire rejetés, aux yeux de la société, de l'école, du voisinage, parfois même auprès de leur propre famille. Etant présents à nos rencontres, ils peuvent donc voir comment nous nous y prenons pour présenter tel récit biblique, quels mots nous pouvons dire pour exprimer notre foi, de quelle manière nous pouvons nous y prendre pour vivre un temps de prière... Les valoriser aux yeux de leurs enfants, leur donner confiance en eux dans la manière dont ils vont pouvoir continuer cette formation chrétienne au jour le jour, apporter leur propre témoignage, dans des choses toutes simples, au quotidien avec leurs enfants sont nos principaux objectifs.
Nous leur proposons aussi de vivre régulièrement, environ une journée par mois, un temps fort avec d'autres familles vivant des difficultés semblables aux leurs. Elles se rassemblent pour un temps convivial, familial, au cours duquel différentes propositions (ateliers, jeux, promenade...) sont faites en lien avec un thème catéchétique qui sera repris au cours de la journée et des séances de catéchèse ultérieures dans les semaines suivantes. Une messe ou une célébration peuvent être vécues à l'occasion de ces journées. Ces journées peuvent être en lien avec un Dimanche des familles sur la paroisse des Minguettes.
En effet, chaque fois que cela est possible nous les convions, les accompagnons, à vivre des temps de rassemblements plus larges avec des communautés chrétiennes. Les sacrements sont toujours vécus dans ce même esprit, en lien avec d'autres chrétiens. Et nous gardons toujours comme objectif, à plus ou moins long terme, que ces parents, ces enfants, puissent un jour, par eux-mêmes, rejoindre différents lieux d'Eglise où des chrétiens se rassemblent.
Nous sommes donc une petite équipe d'accompagnateurs qui rencontrons régulièrement les familles chez elles, ou au cours de ces Journées familiales dont j'ai parlé plus haut.
Après quelques années de recul, je peux dire que ces rencontres restent marquantes pour tous, aussi bien pour les familles, les enfants, les animateurs... Les paroles du Christ résonnent autrement en chacun de nous quand elles ont été passées au crible et enrichies de la vie de ces personnes en grande difficulté.
Le pardon, l'espérance, la persévérance, la prière ne sont plus habitées de la même manière. La joie qu'il nous est donné de vivre prend une autre coloration, une autre teneur, une autre réalité. Nous vivons une sorte d'évangélisation mutuelle, où chacun est invité à vivre des conversions, des changements de regards envers des personnes que n'aurions pas rencontrées spontanément et qui, pourtant, ont tant de choses à nous apprendre sur leur force de vie, leur résistance à la misère, la confiance et l'espérance qu'elles expriment envers Dieu, malgré leur vie cabossée...
Joie de voir que certains d'entre eux parviennent par eux-mêmes à une certaine vie paroissiale : venir seul à la messe, inscrire son enfant à la catéchèse paroissiale, à l'aumônerie...
Nous sommes aussi souvent nous-mêmes renvoyés à nos propres limites où parfois nous nous sentons vraiment démunis devant telle situation, telle interpellation qui nous déroutent, et nous oblige à ne pas nous installer dans des certitudes rigides... Nous interpellent à nous tourner encore plus vers Dieu, à nous convertir en permanence... A entrer encore plus dans cette démarche de confiance dont bien souvent les plus pauvres nous précèdent...
Pour terminer, je voudrai souligner l'importance d'appartenir à l'équipe d'animation paroissiale de Vénissieux, qui me permet d'être inséré pastoralement. Et ce qui m'aide à vivre cette mission particulière, c'est de pouvoir la relire, la partager et la prier au sein de la Communauté du Sappel où je suis engagé et dont la mission est d'être un lieu d'Eglise pour les chrétiens du Quart-Monde.