Qui humilie le pauvre outrage son créateur.

Pr 14,31 — Parole de Dieu

Le sappel

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Rencontre Secours Catholique

La place du bénévole auprès des familles, intervention de Geneviève et Pierre Davienne de la communauté du Sappel, le 8 mars 2005.

Introduction :

Je voudrais commencer par une histoire qui, même si elle date, va bien illustrer notre propos. J'avais une vingtaine d'année et je m'occupais d'un groupe d'adolescents dans le cadre d'un mouvement de jeunes. Il y avait à l'époque, des familles de vanniers - cela se passe en Alsace - qui faisaient du porte à porte pour vendre des corbeilles ou des paniers de leur fabrication. Deux ou trois de ces familles avaient pris l'habitude de venir sonner à notre pote, chez moi et nous avions lié connaissance... j'ai voulu savoir où ils habitaient. Je leur rendais visite dans le petit quartier de baraquements, lotis tout au bout, tout au bout du pays. Je découvrais le dénuement total d'un couple et de ses enfants en bas age dans la dernière baraque. C'était sombre, triste, lugubre. Dans ma tête germe alors une bonne idée : avec les jeunes nous allons profiter des vacances de Pâques pour repeindre les trois pièces de la baraque. Ce serait plus claire, plus gai, plus propre, bien mieux pour la famille. Nos débarquons donc à plusieurs avec nos bonnes intentions, notre matériel, nos belles couleurs et bousculons sans la moindre gène toute un famille et ses quelques pauvres meubles. Tout est sens dessus-dessous pendant une dizaine de jour. Le père, pour ne pas être en reste, veut nous aider. Un jour, alors que nous ne sommes pas loin d'achever l'ouvrage, il est juché sur une échelle en face de moi. A ce moment-là, je me suis rendu compte qu'il pleurait en silence.... de honte, d'humiliation d'avoir été incapable de rénover sa baraque... Larmes silencieuses, mais quelle force de parole pour moi. Je ne les ai jamais oubliées.

D'OÙ NOUS PARLONS ?

Notre point de départ, ce sont les familles du Quart-Monde, le mouvement ATD et La Communauté du Sappel.

Les familles du Quart-Monde. Elles vivent l'exclusion. Elles ne sont pas seulement soumises à une système d'inégalité qui les maintiendrait dans la pauvreté, elles sont dans le monde de la misère, dans un enfermement radical. Depuis plusieurs générations, les familles du QM sont prisonnières de processus de mise à l'écart : les cercles vicieux de la misère. Les difficultés se renforcent et entraînent d'autres difficultés . Par exemple la vie dans un quartier de mauvaise réputation entraîne un manque de confiance en soi, des difficultés à apprendre à l'école, donc une impossibilité à se former professionnellement, donc des revenus faibles et un difficultés à se loger convenablement donc de nouveau un habitat dans des zones méprisées... et ça repart... Cette précarité, cette lutte permanente pour la survie ne donne pas aux familles les moyens de se forger une identité, personnelle et collective. La misère les oblige à vivre dans la honte, l'isolement et l'ignorance, sans possibilité de bâtir une histoire, de se projeter dans l'avenir. De vivre en permanence dans l'urgence. La conséquence ultime de la misère, c'est d'intérioriser les jugements négatifs que les autres portent sur soi et de finir par se croire maudit, abandonné des hommes et donc maudit de Dieu. Etre accusés d'être responsables de leur situation poussent les familles les plus pauvres au dégoût d'elles-mêmes, à des formes de désespérance. Il n'est pas possible de continuer à vivre si la souffrance et le mépris continuel viennent comme confirmer comme il le disent : "qu'on est né sous une mauvaise étoile, qu'on n'a jamais eu de chance et qu'on est mauvais". Il faut donc d'une certaine manière, payer... ce qui arrive semble logique. En même temps, nous sommes étonnés de constater qu'il y a en Quart-Monde une vie, encore et toujours, malgré tout, et un expérience de foi absolument étonnante. Une foi qui n'est pas un "surplus culturel", mais qui est un besoin vital, radical de Dieu, et un désir radical de rencontrer l'autre, d'être attendu de lui.

ATD Quart-Monde :

Cette vision particulière des plus pauvres, c'est le Père Joseph Wrésinsky, fondateur de ATD Quart-Monde qui nous l'a apprise. C'est une approche particulière de la misère et donc une réponse particulière qui consiste à : 1- considérer le Quart-Monde comme un peuple, donc à le rassembler, à lui donner les moyens de retrouver son histoire, de prendre la Parole, 2- expérimenter des moyens de promotion et de les proposer à l'ensemble de la société. Il y a l'idée d'un rassemblement de tous autour des plus pauvres pour ensemble promouvoir une nouvelle humanité. 3- Répondre de manière globale à la misère qui est globale. Le plus pauvre (comme tous les hommes d'ailleurs) doit être considéré dans toute ses dimensions humaines : physiques/ psychologiques/ spirituelles / artistiques /intellectuelles / manuelles. 4- La misère casse les relations ; d'où l'importance de la dimension familiale et sociale. 5- L'expérience humaine extrême, forgée par la misère donne aux familles du Quart-Monde un place de choix dans la recherche du sens de l'histoire, du monde, de Dieu. Toute action implique donc un combat pour le savoir et la dignité qui les introduit de plein pieds dans les lieux où le monde se décide.

La communauté du Sappel.

Mouvement d'église issu de ATD Quart-Monde, la communauté du Sappel veut répondre collectivement aux aspirations spirituelle des familles du Quart-Monde en leur faisant la proposition de la foi. Elle consiste à permettre aux familles de relire positivement leur vie de misère pour y découvrir les traces de la présence d'un Dieu créateur et sauveur. Il arrive bien souvent que leur situation ne change de façon sensible, mais tout à un sens nouveau. Ceci est mis en oeuvre par la pratique : d' une vie fraternelle, de l'apprentissage de la Parole de dieu, d'une vie de prière et de célébration de rencontre avec d'autres croyants pour y expérimenter leur place dans l'église comme membres à part entière. Nous privilégions tout ce qui permet d'expérimenter une vie intérieure : atelier d'art, travail sur le corps, mémorisation, temps de retraite, de réflexion.

QU'EST-CE QUE NOUS AVONS APPRIS ?

Geneviève : La fréquentation des familles pauvres nous a amenés à prendre conscience d'un certain nombre de nécessités pour une véritable rencontre.

1. La nécessité de s'appuyer sur les forces de la famille.

A) La famille a les solutions de son avenir.

Quand nous entrons dans une famille, sachons-nous tout d'abord honorés d'être accueillis dans une intimité, dans une histoire qui s'est déjà construite sans nous, dans un jeu de relations qui nous échappe, dans un fonctionnement qui n'est pas le nôtre et dont nous devenons à un moment précis les témoins. Mais témoins seulement au départ, et témoins respectueux toujours. Il ne s'agit pas, surtout pas, d'avoir des idées pour la famille. C'est une ascèse nécessaire et comme toute ascèse, elle n'est jamais totalement acquise. Mais plutôt, se mettre à l'écoute de se qui se vit dans la famille, dans la durée, découvrir peu à peu les forces qui l'animent, le levier sur lequel s'appuyer pour que quelque chose bouge. Ces forces, la famille les perçoit ou pas, en a conscience ou pas, à nous de les révéler,dans la bonne distance que nous devons avoir pour les repérer. Il y a souvent sur les familles une image en négatif que nous sommes peut-être invités à révéler en positif. Nous pouvons être des révélateurs, comme dans la chambre noire du photographe. Dans cette opération, la famille se transforme, mais nous-aussi ! Notre regard n'est plus le même. Repérer les forces de la famille, penser qu'au lieu d'un ressort cassé il y a en elle un ressort caché, s'appuyer sur ce qui peut être moteur ou levier dans la famille pour ouvrir l'avenir ! C'est la famille qui porte en elle cet avenir et nous pouvons le rechercher ensemble. Ce travail commun peut être fécond, alors que des solutions non intégrées par la famille, extérieures à elle, mènent un jour ou l'autre à l'échec, voire à la catastrophe.

Je voudrais ouvrir ici une parenthèse qui mériterait à elle seule un débat, une conférence. Serions-nous les détenteurs de ce qui est bien, bon, juste dans la norme, moral, vrai, et il faudrait apprendre tout cela aux familles ? Elles seraient les mauvais élèves d'un bon système ? Leur existence, leur situation, ne sont-elles pas révélatrices du mauvais fonctionnement de notre système ? Système duquel nous sommes, vous et moi participants, qui exclue, qui génère de la misère tant en Tiers-Monde qu'en Quart-Monde... Le Père Joseph ( Fondateur du Mouvement A.T.D. Quart-Monde ) disait que les familles savaient mieux que quiconque comment devraient fonctionner notre école, nos hôpitaux, le monde du travail, eux qui en sont perpétuellement à l'écart ! Récemment un homme interpellait l'un de nous : " toi, tu connais rien à la vie " 20 ans durant, il a vécu à la rue !Pouvons-nous imaginer ce qu'il faut d' énergie, de débrouillardise pour vivre 20 ans à la rue ! Quelle connaissance de la vie ! Je ferme cette parenthèse .

Voici pour illustrer notre propos l'histoire d'un couple avec un jeune enfant placé, le seul du couple. La mère en a déjà eu 4 autres, plus grands, tous placés, dont un adopté dès la naissance. Dans l'appartement très sale, tout est à l'abandon. Les travailleurs sociaux essaient de faire en sorte que la femme réagisse. Nous de même. C'est en vain. Nous continuons à visiter la famille. Un leit-motif de la part de cette femme : " quand même, je suis une mère ! " Il fallait pouvoir entendre son désir profond qui était de retrouver au moins son dernier enfant, encore petit, pour les W.E. Ou les temps de vacances. Nous avons essayer d'accompagner la famille pour que ce désir se réalise. Avec l'accord du Juge des enfants, un premier accueil de l'enfant un jour de Noël fut possible dans le cadre de la communauté du Sappel. Par la suite, ils ont pu accueillir l'enfant chez eux tous les 15 jours, puis passer des vacances ensemble tous les trois. Récemment l'enfant devenu grand a repeint la cuisine de ses parents. Aujourd'hui, l'appartement est transformé.

B ) Un levier unificateur des forces de la famille. Il est nécessaire de repérer dans une famille un levier sur lequel nous pourrons nous appuyer. Nous ne pouvons aborder tous les problèmes de front ( cf l'exemple cité ci-dessus ) Ce levier s'il est bien choisi, sera unificateur des forces de la famille et fera bouger l'ensemble de ses membres. Car il est extrêmement important que nous prenions en compte la famille dans son entier : ne pas nous installer dans une relation duelle avec un enfant, un parent, ne pas jouer les uns contre les autres, ne pas penser que nous pourrons en sauver au moins un. C'est ensemble qu'il importe d'avancer. Sinon, un enfant peut tout à fait percevoir qu'au fond de nous, il y a un déni de ses parents, de son milieu. Et il ne peut grandir ni s'épanouir s'il y a ce doute en lui sur les siens. De même nous pouvons implicitement, inconsciemment renforcer un jugement de valeur négatif de la part d'un parent sur un enfant, qui pourra un jour le sanctionner dans la vie.

C ) Faire jouer les relations de quartier et d'environnement De même, nous devons regarder la famille dans un environnement social, un environnement de quartier. Il importe de ne pas l'isoler de ses voisins, de ne pas la mettre en porte à faux par rapport à ses voisins ( ex. de la famille à laquelle des membres d'un groupe de prière avaient fait livrer un tombereau de bois à l'entrée de l'hiver. Restés longtemps sans nouvelles de la famille ils se sont rendus sur place pour se rendre compte que les voisins avaient maltraité, frappé ceux qui étaient mieux lotis qu'eux )

2. Nécessité d'une connaissance : Si nous voulons découvrir ce que vivent les familles et quel est le levier qui permettra de les rencontrer en profondeur, nous devons en trouver les moyens.

Le premier moyen est celui mis en avant par ATD et par le Sappel, c'est l'écriture. Il ne s'agit pas de faire des rapports sur le familles, d'une manière extérieur ou bien comme le travailleur sociaux, pour préparer une décision, et parce que nous ne sommes pas de travailleurs sociaux, mais de noter ce qui nous semble important, ce qui nous touche dans ce qui est merveilleux ou bien que nous ne comprenons pas dans ce que nous découvrons des familles. ATD appelait cela des rapports d'observation participante. Dans ces écrits, nous sommes dedans, nous notons et nous nous posons des questions.

Le premier intérêt, c'est de fixer, de retenir les expressions, les formules exactes utilisées. L'expérience des plus pauvres est - pourrait-on dire - originale, et ils ont une manière de parler qui rend compte de leur manière de penser, de réagir face aux événements, de résister face à la misère.

Par exemple à noter tout ce qui concerne l'urgence, l'immédiateté , l'impossibilité de penser à l'avenir autrement qu'en le rêvant nous fait pénétrer dans l'univers des pauvres. Combien de fois nous nous énervons nous-même pour des rendez vous manquée : quand nous arrivons et que la porte et close. Nous croyons qu'il y a un désintérêt pour ce qui est proposé, mais souvent il ne s'agit pas de cela. Il s'agit d'une autre manière d'envisager le temps, ou de le maîtriser. Un autre exemple : le WE dernier, il y a deux jours, nous nous sommes retrouvés avec des adultes du groupe de prière pour réfléchir sur le texte du bon samaritain (Luc 10,30). Pour nous, ce texte parlait surtout de la miséricorde, de l'aide qu'on pouvait apporter. Mais nous avons, encore une fois, été stupéfaits, choqués même de constater que le plus pauvres s'attardaient sur un autre aspect du texte :pratiquement tous les plus pauvres avaient été battus, frappés parfois cruellement. Qu'est ce que c'est que de vivre avec cela, quelle confiance en soi et possible ? Nous sommes vraiment dans un autre monde qu'il faut découvrir : c'est comme sur les vielles cartes géographiques où il est écrit "terra incognita".

S'habituer à écrire, c'est se donner la possibilité de comprendre en mettant en parallèle, en rapprochant des remarques, des observation. C'est une aventure que de chercher à comprendre ce que les gens vivent, quel signe ils posent. Ce qui nous paraît être des attitudes ou des paroles incohérentes deviennent compréhensibles. Un jour une maman a frappé un directeur d'école. Cela a fait beaucoup de bruit. Nous nous sommes rendu compte qu'elle souffrait de trop de voir son enfant faire comme elle : être mis de coté, ne sachant ni lire ni écrire. Sa honte s'était transformé en rage d'impuissance et elle avait explosé en violence. Cela ne justifie rien, mais aide à comprendre et donc à ne pas juger. Écrire un événement, c'est écrire l'histoire, de la famille et aussi de ce que nous vivons ensemble. Cela permet de rendre compte de ce qu'ils nous ont appris. Souvent nous entendons dire : " les pauvres m'ont évangélisé ou m'ont

beaucoup appris." Cela devient un slogan. Souvent, ceux qui disent cela ne peuvent pas dire le contenu de ce qu'ils ont reçu, qu'est ce qu'ils ont reçu et aussi n'ont pas pu rendre aux gens ce qu'ils ont appris. Tout cela parce que ce qui est vécu disparaît. Il ne reste souvent que des petites anecdotes...

Le deuxième moyen c'est le partage en équipe à partir d'éléments concrets, précis qui ont été écrits. Cela est vraiment indispensable car devant certaines situations, il est impossible de tenir tout seul ; de comprendre et aussi de supporter humainement la violence, la destruction à l'oeuvre dans les familles. écriture et partage en équipe.

3. Nécessité d'une médiation :

Il importe aussi dans nos relations avec les familles de ne pas rester toujours dans une relation duelle : la famille et nous. Cette relation peut devenir enfermante et nous risquons de devenir l'otage de la famille comme elle risque de devenir la nôtre. Il est nécessaire de renvoyer régulièrement les familles à plus grand que soi : une structure de quartier, un projet collectif, un mouvement, une association, quileur permettra de croiser d'autres personnes, et de nous situer nous aussi dans un ensemble plus grand, nous pourrions dire dans un " vivre ensemble " plus grand. Avons-nous déjà partagé à telle ou telle famille ce qu'est le Secours Catholique, quel est le projet qu'il porte, comment ce projet nous fait vivre et comment il pourrait les faire vivre elles ? Il est nécessaire aussi pour que la relation ne soit pas enfermante de permettre de temps en temps aux familles de faire une relecture de ce que nous vivons ensemble avec un tiers, de faire le point de ce que nous portons ensemble avec quelqu'un qui n'est pas en prise directe avec la famille, qui a plus de distance que nous, qui peut apporter un regard nouveau. Il est nécessaire surtout d'inventer les moyens de ne pas faire des familles notre " chose " à nous, de mettre de la respiration, de l'air entre elles et nous .

4. Nécessité d'une fraternité lucide :

- Nous ne sommes pas amis avec les plus pauvre. C'est une illusion ; Le monde de la misère casse les relations. Il ne reste plus que deux sortes de gens comme disaient des jeunes : "ceux qui se font avoir et ceux qui ont les autres." Ils le disaient en termes nettement plus crus... si nous voulons combattre cette loi de la jungle, nous ne pouvons pas être dans la confusion. Il y a ceux qui ont fait l'expérience de la misère et il y a les autres : chacun ayant des responsabilités différentes. Le Père Joseph disait que les pauvres avaient cette espèce de folie de l'amour qui fait que par exemple une famille va accueillir une autre qui est à la rue. Au bout de trois jours, la situation va être terrible et l'hébergement va se finir dans la violence, dans la bagarre. Ainsi cette famille que nous avons connu qui a du quitter son appartement, chassée par la famille qu'elle avait accueillie. Et puis ils y a ceux comme nous qui ont une sécurité affective, financière, une capacité à faire des projets ; le Père Joseph pensait qu'ils avaient la responsabilité de faire durer l'amour des pauvres, d'exprimer en terme d'actions les intuitions fulgurantes des pauvres qui disent : "on ne laisse pas quelqu'un à la rue..." Chacun donc a sa place et sa responsabilité : là il est possible de se comporter en frères, en être humains. Nous sommes de la même humanité, mais différents.

Cela veut dire aussi qu'on ne peut pas être dans l'assistance. Le premier devoir c'est de respecter les droits et de les faire respecter. Parfois les pauvres sont contraints à la mendicité parce que leur droits ne sont pas mis en avant. ( une femme qui allait au resto du coeur parce qu'elle ne touchait d'allocations familiales.) On ne peut donner qu'à des frères sans honte. St Vincent de Paul disait déjà :" Il faut nous faire pardonner le pain que nous donnons aux pauvres." Il avait bien senti qu'il y a des dons qui créent un état d'injustice. Il y a une manière de donner qui met l'autre en état d'infériorité, et cela est intolérable. Elle crée un état de caste qui est contraire à la justice et qui fait croire à la fatalité. Or, il y a pas de fatalité en humanité.

Évidement dans l'urgence, il faut bien faire quelque chose, on ne peut pas être que dans les idées dans un système idéologique ; il faut bien vivre, et ne pas laisser l'autre crever de faim. Mais le problème c'est que la misère pousse tout le monde dans l'urgence, et toujours dans l'urgence, et donc il n'y a pas de raison que ça s'arrête. Un jour que nous avions hébergé disait : " il faut que je parte, parce que je vais vous entraîner dans mon enfer, dans ma folie."

Il n'y a qu'un don qui soit profondément respectable, c'est de partager les moyens du savoir pour qu'ils puisent analyser leur vie et le monde. Et qu'ils puissent être libres par rapport à nous.

5. Nécessité de la durée :

L'expérience des plus pauvres est souvent celle d'avoir été trompé. Nous devons gagner leur confiance. D'une manière générale, ils sont heureux que nous allions chez eux. Ils disent souvent qu'ils n'ont pas d'amis, que personne ne vient, mais en même temps, il y a une peur terrible d'être jugés et aussi d'être dénoncés et que cela aboutisse aux placements des enfants. Il y a comme une mémoire collective, en Quart-Monde de l'intrusion de la société qui va détruire ce qui reste de plus sacré : vivre en famille. Cette peur est fondée. Donc il y a nécessité de tenir dans la durée et dans la régularité. Notre venue, quelque soit les incompréhensions qui forcément arrivent dans notre relation aux familles, est le signe qu'ils existent pour quelqu'un, qu'ils ne sont pas abandonnés, qu'ils font partie d'une même humanité qui a besoin d'eux.

OUVERTURE : Quel engagement ? Quelle fraternité ?

Toutes ces remarques posent la question de notre engagement. L'expérience nous montre que les familles ne peuvent avancer que si nous même nous changeons et nous avançons aussi ; en d'autre termes, que si a eu lieu une véritable rencontre humaine, un véritable échange. Nous ne pouvons pas apprendre quelque chose à quelqu'un si nous n'apprenons pas de lui. Les familles vivent les conséquences d'un fonctionnement mauvais de la société. Elles savent "en creux" ce qu'il faudrait vivre. Nous, nous avons appris ailleurs que dans cette expérience là,. Nous avons appris dans un monde qui accepte l'idée de "déchets", d'irrécupérables... Donc nous devons apprendre d'elles et redécouvrir ce qui nous même nous a fait grandir pour le transformer, pour pouvoir le partager, leur offrir gratuitement pour qu'il se libèrent.

 

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