Méditation sur la parabole des talents
Homélie réalisée à 2 voix à l'occasion de la Journée Mondiale des Pauvres à Vénissieux
Ce dimanche est exceptionnel à deux titres : en France, c'est le dimanche réservé au Secours Catholique et au niveau mondial, notre pape invite à vivre la Journée Mondiale des pauvres. Cette année, il a donné pour thème à cette journée la citation tirée du livre du Siracide : « Tends ta main au pauvre ».
Nous avons commenté le message du pape avec des personnes qui vivent des situations de grande pauvreté et d'exclusion sociale. Je vous livre un des nombreux commentaires que nous avons recueillis :
Frédéric :
« On est pauvre et on restera pauvre par rapport aux gens plus hauts que nous. Il n'y a qu'une personne qui nous écoute, c'est le Seigneur. Ça fait mal. Il faudrait que les riches nous regardent d'une autre façon, qu'ils ne ferment pas leur porte et que nous partagions la Parole avec eux ».
Philippe :
Compte tenu des circonstances, il ne nous est pas possible, comme nous le faisons régulièrement lors de nos dimanches de la fraternité, de partager la Parole ensemble. Mais je suis allé rencontrer quelques personnes, j'ai rassemblé leurs commentaires sur l'Évangile de ce jour (Mt 25, 14-30) et j'ai choisi de vous en partager quelques-uns.
Pour bien comprendre les commentaires, il faut que je précise une chose. Jésus, dans cet Évangile, raconte une parabole dans laquelle il est question d'un homme qui remet à ses serviteurs une somme de cinq, deux ou un talent. Pour ceux qui écoutent Jésus à l'époque où il parle, un talent représente une grosse somme d'argent. Elle correspondait probablement à 6000 journées de travail d'un ouvrier, ou encore à 16 années de travail. Cinq talents, représentent donc 80 années de travail, deux talents, 32 années ! Gardons cela à l'esprit.
Frédéric :
« Le maître est généreux et les esclaves sont riches avec tout ce que le maître leur donne. Ils peuvent travailler à leur compte. Mais le maître, lui, s'est retrouvé pauvre ! »
Philippe :
Jusque-là, j'avais l'habitude de méditer cet Évangile à partir des serviteurs et de leurs attitudes. Je n'avais jamais réalisé combien le maître était généreux et même plus que généreux : il donne tout ce qu'il a au point de se retrouver pauvre. Le verbe grec employé dans le texte, traduit par « il confia ses biens », est le même verbe que l'Évangile de Jean emploie quand Jésus meurt sur la croix : « il remit, livra, transmit le souffle ». C'est donc bien que cet homme, ce maître remet ses biens entre les mains de ses esclaves. Et, comme Jésus sur la croix, il donne tout.
Mais alors, comment concilier cet homme qui donne tout à ses esclaves au début de la parabole avec ce maître qui, à la fin, a des paroles si dures et étranges : « enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui en a dix » et plus loin « quant à cet esclave bon à rien, jetez-le dehors dans les ténèbres » ?
Frédéric :
« Celui qui a caché son talent ne veut pas faire d'effort pour le bien de son Seigneur. Il ne veut pas de problème ni prendre de risques. En fait, il n'a rien fait d'utile pour lui-même et n'a même pas gaspillé l'argent ! Finalement, c'est quelqu'un qui n'aimait pas son maître et cet argent n'a pas de valeur pour lui. »
Philippe :
Eh bien oui, ce serviteur n'a aucun intérêt pour son maître et dédaigne complètement l'immense don qui lui est fait. Il va même, au retour de son maître, lui rendre de lui-même son argent en disant : « tu as ce qui t'appartient ». Il n'était pas concerné par ce cadeau, contrairement aux autres esclaves. Le maître ne peut que constater cela et donner cette somme à un autre. Bon, mais pourquoi le condamner encore aux pleurs et aux grincements de dents ?
Frédéric :
« Le maître, quand il revient, dit merci aux esclaves qui ont gagné des talents. Le maître se sent bien avec eux et eux sont joyeux de voir leur maître content ».
Philippe :
C'est que ces immenses cadeaux n'ont qu'un objectif : réjouir le maître de voir ses esclaves en profiter et les faire profiter, et du coup faire entrer les esclaves dans la joie du maître. Celui qui n'accueille pas le cadeau ne peut pas entrer dans cette joie !
Frédéric :
« Pour nous aujourd'hui, un talent ce peut être la communion au corps du Christ. La communion, c'est le labeur de l'âme, labourer son âme, la purifier. Ce peut être aussi prêcher, travailler pour Dieu, servir son message. Ou ce peut être encore faire fructifier la Parole de Dieu et notre parole à nous. »
Philippe :
Chers frères et sœurs, pour participer à la joie du Père, nous sommes invités à faire fructifier la Parole de Dieu autour de nous, à la vivre et à la partager. Et la Parole de Dieu devient alors aussi notre parole à nous. Mais alors, en ce temps de confinement, comment communier au corps du Christ pour qu'il laboure notre âme ?
Ecoutons un commentaire de Yves Longin, prêtre auxiliaire de notre paroisse, qui commente cette parole de membres du Réseau St Laurent : " On n' a besoin de rien , sauf de parler.." Ecoutons les mots de Yves :
« On dit à la messe : "Tu es béni, Dieu de l'univers, toi qui nous donne ce pain.."
Seigneur, ce pain, c'est aussi la parole que tu donnes aux plus souffrants ; c'est aussi la parole que nous donnons aux autres. Donner la parole fait exister.
Ce pain, c'est aussi quand une personne marquée par la pauvreté me donne la parole, pour que je parle de moi , de mes pauvretés.
Seigneur, le plus beau, c'est la parole partagée, comme on partage le pain ; très simplement ; avec le coeur ; un goût de fraternité.
Merci, Seigneur. »
Alors, frères et sœurs, en ce temps de confinement, partageons la Parole et notre parole. Ce partage nous fera entrer dans la joie du Père !
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