Un appel à la conversion
La pandémie et le confinement nous font réaliser la fragilité de nos dispositifs sociaux, économiques, politiques, religieux. Ils nous font réaliser aussi la nécessité de « sortir » de nos manières de penser et d’agir parce que ces dispositifs ne sont pas à la hauteur des défis humains, écologiques, théologiques. A partir de notre expérience d’accompagnement de personnes en situation de grande précarité, nous pensons que la transformation de notre société et de l'Eglise ne sera possible qu'à partir de l'écoute de la parole des plus pauvres.
Il nous faut en effet écouter les très pauvres pour entendre ce qu'ils disent à partir de leur expérience de vie et de foi. Écoutons Robert, une personne de Chambéry qui vit la grande exclusion : « Les pauvres, il faut les aider dans la foi en Dieu pour qu'ils connaissent mieux Dieu, pour ne pas oublier Dieu et Jésus. Il faut leur donner la nourriture de Dieu, pas seulement la nourriture à manger. Il faut les deux. Ils ont besoin d'être encouragés dans leur foi. Il ne faut pas s'inquiéter de l'argent. Sans foi, sans rien, on est perdu. La nourriture spirituelle ça compte beaucoup, c'est la survie. Si on n'a pas la foi en Dieu, on est perdu, on meurt. Il faut tenir le besoin de nourriture et le besoin spirituel. » Quelle expertise en humanité et en spiritualité !
Le très pauvre a quelque chose d'essentiel à nous apporter : son expérience de vie, que nous ignorons et qui nous manque ; son expérience de foi, qui vient convertir nos représentations de Dieu.
Mais pourquoi faudrait-il se mettre à l'école de la pensée des plus fragiles ? Pour trois raisons :
Parce que les plus pauvres ont une expérience singulière. Ils vivent le risque permanent de disparaître. Leur manière de résister nous enseigne sur ce qu'est l'être humain, un fils ou une fille de Dieu, sur ce que devrait être le monde.
Parce que Jésus lui-même s'est mis à l'école des plus pauvres. Il a reçu comme Parole du Père les gestes et les paroles des hommes et des femmes qu'il a rencontrés, et spécialement des plus rejetés. Que l'on songe à l'obole de la veuve, à la demande de la Syro-phénicienne, à la foi du centurion romain...
Parce que Jésus est devenu Le Pauvre par excellence. Il a choisi de faire partie des « petits », de ce peuple qui porte les secrets du Père (Luc 10, 21). Il a épousé le destin des rejetés, certifiant ainsi à toute l'humanité que personne n'est exclu de l'amour de Dieu.
Alors, à celui qui a tout perdu, disons-lui que ce qu'il vit n'est pas peine perdue, que sa souffrance considérée comme insensée est une parole que nous entendons parce que nous décidons de recevoir de lui une parole du Christ.
Telle est la mission prophétique de l'Église : entendre la voix des plus pauvres, pour s'en instruire. Et, à partir d'elle, se laisser reconstruire et contribuer à réédifier notre société. Car ils ouvrent une route, ils désignent le chemin, ils sont les premiers de cordée, ceux à partir de qui tout le reste peut tenir debout...
La crise que nous traversons nous redit combien il y a urgence ! Urgence de nous approcher des plus pauvres, de les rejoindre pour apprendre d'eux ! Urgence de faire de nous leurs élèves, même si c'est l'envers de nos habitudes...
Mais il faut du temps pour entendre, pour quitter nos manières habituelles de penser et d'agir, pour apprendre du plus faible. Ce n'est pas un travail que l'homme peut faire seul : c'est de l'ordre du retournement intérieur, opéré en nous par l'Esprit Saint.
Le temps de l'Ascension à Pentecôte peut être l'occasion d'invoquer l'Esprit Saint, pour qu'il ouvre en nous un chemin de conversion à l'école du plus pauvre. Nous invitons fraternellement ceux qui le souhaitent à s'associer à la neuvaine priée au sein de Siloé jusqu'à la Pentecôte (cliquez ici pour afficher la neuvaine).
Jean Claude et Maryvonne Caillaux pour La Pierre d'Angle
Philippe et Céline Brès pour Le Sappel
Sr Anne Rouquet pour La Bonne Nouvelle
* Siloé est le nom que se sont donné trois associations qui se retrouvent dans la spiritualité du père Joseph Wresinski : Le Sappel, La Pierre d'Angle et La Bonne Nouvelle. Elles rassemblent à travers la France des personnes qui ont l'expérience de la grande pauvreté et d'autres qui les rejoignent