Si tu es l’ouvrage de Dieu, attends tout de sa main. Livre-toi à Celui qui peut te modeler, laisse-toi ouvrager. +

Saint Irénée — Parole de sages

Le sappel

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No 81
journal du sappel / Mai 2011 Journal

Une étincelle d’humanité

Un jour où par hasard je me trouvais devant la télévision, par bonheur je suis tombé sur un documentaire qui filmait un vrai procès d’assises. Un homme d’une cinquantaine d’année était accusé d’avoir tiré sur son ex- femme et sur les gendarmes venus à la rescousse. Il était alors sous l’emprise de l’alcool. Subissant la violence de son père, il avait eu une enfance difficile. Devant ce drame de la misère, j’étais étonné de découvrir le regard de tendresse du réalisateur de ce film. Visiblement le corps de monsieur Viels était usé par une vie de galère, et par l’alcool ; pourtant le réalisateur tenait à nous montrer un homme calme et convivial, qui avait à cœur de manifester une parole ou un geste amical pour les gendarmes qui l’emmènent au palais de justice. La juge était également pleine d’attention et prévenante dans sa manière de poser ses questions. Mais dans sa défense, cet homme se contredisait souvent, au point que parfois tout le monde se mettait à rire, les jurés, les avocats, les juges, la salle. Tous les témoins étaient à charge contre lui, notamment sa fille : elle lui reprochait sa violence qui avait entraîné son placement dans une institution. Ses voisins et son ex-femme font des déclarations assez sévères contre lui, et l’expert-psychiatre conclut : « Il a toute sa conscience, mais il fabule parce qu’il ne veut pas admettre une réalité trop dure pour lui.» En interrogeant une journaliste qui n’est autre que Florence Aubenas ancienne otage au Liban, le réalisateur souligne le caractère absurde de ce procès. Tout d’abord Florence Aubenas remarque avec pertinence que l’on ne comprend pas bien l’accusé, il parle avec un fort accent alsacien, et il lui manque beaucoup de dents. Ensuite on demande à ce monsieur d’avoir une attitude de regrets, alors qu’il n’a pas les codes de notre société pour en montrer. Les questions des juges sont complètement décalées par rapport à la réalité vécue par cet homme. En plus son avocat, commis d’office qui n’avait jamais plaidé en assise car il est avocat commercial, avoue son incompétence. Tout le monde remarque pourtant que malgré ses incohérences, monsieur Viels essaye de montrer qu’on ne peut pas le réduire à son crime. Excédé par toutes les questions pressantes qu’on lui pose, il finit par crier : « C’est vrai que je suis souvent saoul, c’est vrai que je ne sais plus ce que je fais dans ces cas-là, mais en dehors de ces moments je suis quelqu’un de bien ! » A ce moment-là, on sent que la cour est retournée ; de cet homme qui semblait irrécupérable surgit une affirmation qui surprend par son intelligence. Et c’est bien le visage qu’il s’est attaché de montrer durant les quatre ans de prison qu’il vient d’effectuer. Il me revient alors à l’esprit la déclaration de son ex-femme : « Quand je me suis mise avec lui, c’était un homme très attirant et très aimable.» L’avocat général requiert quand même 15 ans de prison. Lorsque les jurés délibèrent, il se confie à son avocat : « J’ai fait une faute, je dois payer, mais ce n’est pas bien de m’avoir fait attendre 4 ans pour savoir. Quand on est en prison, pour pouvoir vivre, on a besoin de savoir. » Enfin le juge donne la sentence : «  Monsieur Viels est reconnu coupable, il est condamné à 10 ans de prison. » Monsieur est soulagé de la clémence du tribunal, il félicite son avocat. Je suis resté longtemps habité par le cri de cet homme: « Je suis aussi quelqu’un de bien ! » Une enfance écrasée par la violence, une vie sous l’emprise de l’alcool n’ont pas étouffé cette étincelle d’humanité. Dominique Paturle

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