Le pardon, chemin de re-naissance
A la maison du Sappel dans l'Ain, un temps de retraite est proposé à quelques familles. Nous avons approfondi le thème abordé tout au long de l'année au cours des Journées Familiales : "Avec Joseph, devenir frères et sœurs". Ce récit biblique du livre de la Genèse rejoint profondément la vie bouleversée des familles :
" Joseph c’est quelqu'un de notre famille, on est passé par où il est passé ! Nous aussi on vit des choses difficiles; on est souvent en train de se disputer, de se faire du mal. On vit la même vie qu'il a vécue, il y a des milliers d'années. De toutes façons, on lui ressemble à Joseph : il a eu des blessures comme nous." " Ce qui m'a marqué le plus, c'est quand ses frères organisent un coup pour mettre Joseph dans le trou au lieu de le tuer."
Chemin de fraternité semé d'embûches où Dieu se fait présent à nos côtés et nous invite à nous glisser dans son amour pour peu à peu accueillir un désir du pardon :
" Ma mère m'a fait tellement souffrir que je ne peux pas pardonner, elle m'a fait subir trop de choses. Dieu veut qu'on pardonne, je voudrai pardonner mais c'est comme si je n'y arrivais pas. J'ai encore peur aujourd'hui que ma mère me refasse du mal. Je sais qu'il faut pardonner mais je ne sais pas comment il faut faire."
En effet, il peut être long ce chemin du pardon :" Pour pardonner, il m'a fallu des années…Ca ne se fait pas du jour au lendemain."
Dans l'un des groupes de partage, une jeune femme a exprimé son impossibilité actuelle à pardonner. Une autre participante lui a répondu avec une grande simplicité: " Il ne faut pas dire qu'on n'arrivera pas à pardonner, ça va venir. La haine, c'est épuisant, tu ne peux pas la garder tout le temps. Tu te détruis en toi, tu ne cherches pas d'ouverture, tu es dans un puits, tu es comme dans une cage. Le Seigneur lui aussi a souffert sur la croix."
" Il faut des années pour pardonner ; au début on est violent, on hait la personne qui nous a fait du mal. La haine, ça fait du dégât pour les autres et pour soi-même. On veut boxer tout le monde autour de soi, on en veut au monde entier, même à ceux qui n'y sont pour rien. La haine se répercute sur les autres, c'est comme si on était dans un trou… Pour passer à une autre étape, je me suis occupée de moi, j'ai tracé mon propre chemin et je suis allée à Lourdes. En faisant le Chemin de Croix, je me suis mise à la place de Jésus à chaque station… J'ai senti comme une voix qui me disait "Pardonne-lui…" J'ai pleuré et j'ai senti que je pouvais pardonner. J'ai été libérée de ce poids de haine. J'ai repris confiance. Maintenant j'aime la vie grâce au chemin que j'ai fait. Je n'ai plus peur du noir… Avant j'étais comme dans un puits, comme Joseph… J'étais claustrophobe parce que l'on m'avait enfermée dans un placard quand j'étais enfant. Maintenant, je peux fermer mes volets et je peux aussi aller dans des endroits où je ne pouvais pas aller… Maintenant j'ai confiance en Jésus qui m'aide, j'ai confiance en moi et dans les gens qui m'entourent. Je sais que Jésus est avec moi dans les peines comme dans les joies. Il jaillit dans mon cœur. Je me sens libérée de cette souffrance, je me sens libre." Quelle profondeur dans ce témoignage, là où il paraissait n'y avoir que souffrances, le pardon ouvre des chemins de jaillissement de vie, de re-naissance.
Marie-Noëlle LOPEZ-DUBEUF